L'affaire fait grand bruit dans le monde du handball : une information judiciaire impliquant plusieurs joueurs de Montpellier a été ouverte. La raison de la tourmente : des paris présumés truqués lors du match Montpellier - Cesson-Sévigné.
Depuis les révélations le 25 septembre de France 3 Languedoc-Roussillon concernant l’ouverture d’une information judiciaire sur des paris suspectés d'avoir été truqués lors du match Cesson-Sévigné - Montpellier en mai dernier qui impliquent plusieurs joueurs du club héraultais, les réactions se succèdent.
La Ligue nationale de handball interdit aux joueurs et à leur entourage de miser sur les compétitions auxquelles ils participent directement ou sous un prête-nom. Si des paris interdits sont avérés, le coupable est passible d’un à six matchs de suspension et d’une amende de 1 à 25 000 euros. La sanction est assortie d’une période probatoire d’un an.
Ce jeudi 27 septembre, le président montpelliérain, Rémy Levy, s’est confié à "Midi Libre" : "Concernant les paris, il y a plusieurs hypothèses. La première, c’est que les faits ne sont pas allégués et c’est l’enquête qui le dira. La deuxième, c’est que les faits sont allégués avec des joueurs qui ont parié en pensant que l’équipe était affaiblie et que c’était peut-être l’opportunité d’arrondir ses fins de mois. C’est grave moralement, au niveau de l’éthique aussi, mais c’est une infraction disciplinaire aux règles qui gouvernent l’organisation du handball en France".
Les sommes impliquées sont conséquentes. Près de 70 000 euros auraient ainsi été misés dans la matinée du 12 mai, dont une bonne partie dans trois bureaux de tabac à Paris, en Bretagne et à Montpellier. La Française des Jeux (FDJ) parlera ensuite de "pic anormal" de paris, évoquant "des montants quatre ou cinq fois supérieurs à ce qu'on pouvait attendre" pour une telle rencontre.
Les paris engagés vont tous dans le même sens et concernent le score à la mi-temps : Montpellier (MAHB), sacré champion de France une semaine plus tôt, est donné mené à la mi-temps par Cesson, club menacé, lui, de relégation. Avec une cote de 2,9 : pour 1 000 euros misés, 2 900 euros sont ainsi gagnés. Le fait est qu’à la mi-temps Montpellier est bien mené 15-12 par l’équipe de Cesson-Sévigné (Ile-et-Vilaine). Un score qui rapporte près de 200 000 euros aux parieurs. Les champions de France s'inclineront finalement 31 à 28.
"La probabilité qu'on perde ce match était immense"
"L’alerte a donc été donnée auprès des services de police compétents", souligne la FDJ. Les policiers montpelliérains et ceux de l’Office central des courses et jeux ouvrent alors une enquête préliminaire, puis, à compter du 1er août, mènent une information judiciaire sous l’autorité d’un juge de Montpellier pour "corruption sportive, escroquerie et recel".
Que Montpellier, déjà sacré champion de France, privé de 5 titulaires - Nikola et Luka Karabatic, Mladen Bojinovic, Vid Kavticnik et Samuel Honrubia -, tous blessés, s’inclinent face à une équipe bretonne qui joue sa survie parmi l’élite n’a en soit rien de bien étonnant. C’est en tout cas l’avis de l’ancien président du MHSC Robert Molines dans une interview donnée au journal "Le Monde" : "Avec les joueurs blessés ou laissés au repos, on avait fait jouer la moitié du centre de formation. C'était un match sans enjeu pour nous car le titre était déjà assuré. L'équipe en face, en revanche, jouait son maintien, dans une ambiance exceptionnelle. La probabilité qu'on perde ce match était immense".
Une animatrice de la TNT mise en cause
Mais le fait que la police ait découvert que des épouses ou compagnes de joueurs et des membres de l'environnement du club ont pris des "gros" paris sur une défaite de Montpellier à la mi-temps de cette rencontre pose toutefois question. Comme le souligne Patrick Montel, journaliste sportif à France Télévisions, dans un billet de blog posté le 26 septembre. Selon l'un de ses informateurs, "le jour du match, dans un bar parisien, un colosse discute avec le patron. Une blonde au physique de mannequin dépose une enveloppe sur le comptoir. Le patron compte discrètement […]. 4 500 euros en liquide. Le colosse est l'un des joueurs cadres de Montpellier. La jeune femme blonde est sa compagne, animatrice sur une chaîne de la TNT. Elle a misé la totalité de son pactole sur Cesson rentré au vestiaire avec au moins un but d’avance sur Montpellier à la mi-temps". Autre exemple : selon "Midi Libre", "un étudiant sans grandes ressources, proche d’un joueur, a misé 10 000 euros sur ce pari bien incertain".
"La majorité des paris sportifs, c’est pour une victoire ou une défaite. Parier en masse sur un score à la mi-temps, c’est complètement atypique, et anormal" explique à "Midi Libre" une source proche de l’enquête. Et d'ajouter : "Dans le même temps, c’est peut-être plus facile de demander à un joueur de laisser filer jusqu’à la mi-temps, que de lui demander de faire perdre l’équipe".
"On peut pardonner à des jeunes en difficultés quand ils fautent, on peut les aider. Là, ce serait impardonnable surtout quand je pense à l’histoire de ce club ; à tout le travail qui y a été fait depuis trente ans […]. C’est un sentiment de grande colère […]. Ce ne sont pas mes enfants, ce sont des salariés. Ils vont d’ailleurs devoir s’expliquer bientôt pour certains d’entre eux et répondront de leurs actes", prévient Rémy Lévy, dont les propos préfigurent bien de l’intransigeance avec laquelle le club montpelliérain règlera cette affaire.