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Amnesty international dénonce les amputations "au nom de la charia"

Dans un rapport publié jeudi 20 septembre, Amnesty international fait état de châtiments corporels, de violences sexuelles et d'exécutions extrajudiciaires au Nord-Mali, occupé depuis avril 2012 par des groupes armés islamistes.

Depuis plusieurs semaines, le Nord-Mali est régenté par une stricte application de la charia. Dans la ville de Gao, c'est Alioune, le commissaire en chef de la police islamique, qui veille à la mise en pratique de la loi islamique. Fin juillet, trois prisonniers ont été amputés de la main droite et du pied gauche. Leur crime : avoir volé du bétail. "Ce que nous leur avons infligé, c’est Dieu qui nous l’a commandé. La volonté de Dieu a été accomplie, explique à FRANCE 24 Alioune, avec la fierté du devoir accompli. Les péchés de ces gens ont été effacés."

Ces châtiments corporels se multiplient au Nord-Mali, dénonce Amnesty international, dans un rapport publié jeudi 20 septembre. Depuis début août, "sept personnes accusées de vol ou de braquage ont été amputées à la suite de décisions expéditives", raconte à FRANCE 24 Gaëtan Mootoo, chercheur pour Amnesty, après sa mission de quinze jours dans le Mali. Ces violences sont commises dans la région de Gao, contrôlée depuis trois mois par le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), mais aussi à Tombouctou, sous l’emprise du groupe Ansar Dine (défenseur de l’islam, en arabe).

"Parodie de procès"

Alhader Ag Almahmoud, un éleveur de troupeaux âgé de 30 ans, fait partie de ces amputés. Il a perdu sa main droite à Ansongo, le 8 août 2012, après un procès qualifié de "parodie" par Amnesty. "Les questions n’ont pas dépassé les dix minutes", témoigne le détenu, accusé d’avoir volé du bétail. "La majorité a déclaré que j’étais coupable et qu’il fallait appliquer la Charia en me coupant la main droite au niveau du poignet. J’ai protesté, je leur ai dit que c’était injuste car je ne suis pas l’auteur de ce vol de bétail." Le chef du Mouvement pour l'unicité du jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), qui dirige les débats, a rejeté toute idée d'appel.

Les miliciens du Mujao lui ont coupé la main droite sur la place publique d’Ansongo, dans la région de Gao. Alhader Ag Almahmoud a ensuite attendu huit jours en prison avant de recevoir les premiers soins. Il a appris par la suite que le propriétaire du bétail volé était venu, avant le châtiment, déclarer que les bêtes avaient été retrouvées.

Dans son rapport, Amnesty pointe également du doigt le recours aux enfants-soldats par les groupes armés, mais aussi par les milices d'auto-défense qui se sont constituées, dans le sud du pays, "avec l'accord et le soutien des autorités" dans la perspective de libérer le nord du pays.

La haut-commissaire de l'ONU aux Droits de l'Homme, Navi Pillay, a reconnu cette semaine que les civils, de part et d’autre de la ligne qui divise désormais le pays en deux, sont les victimes de "plusieurs graves violations des droits de l'homme" et "éventuellement des crimes de guerre".

Pas de consensus sur une intervention militaire

Dans ce contexte, le Premier ministre malien Cheikh Modibo Diarra a sollicité début septembre l'aide militaire de la Communauté économique des états d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Il a également affirmé mercredi 18 septembre que le temps "pressait" pour une intervention dans le nord du pays, et réclamé "beaucoup plus de fermeté" de la communauté internationale.

"Les conditions qui accompagnent cette requête font qu'il est impossible pour la Cédéao aujourd'hui d'être de façon efficace sur le terrain", tempère le président burkinabé, Blaise Compaoré, médiateur pour le conflit malien, dans un entretien avec FRANCE 24. Le Mali a en effet exclu un déploiement de forces militaires combattantes dans la capitale. La Cédéao, qui prépare depuis plusieurs mois le déploiement de 3 300 soldats, a dû revoir ses projets qui prévoyaient de sécuriser le régime de transition à Bamako. "Nous n'arrivons pas à trouver un consensus avec les autorités maliennes sur la manière de procéder", poursuit Blaise Compaoré, à l'issue de son entretien avec le président français, François Hollande, à l'Élysée.

"Le Conseil de sécurité, voyant que cette opération n'est pas prête, ne l'a pas autorisée. Or le feu vert de l'ONU est une condition sine qua non", souligne de son côté un diplomate occidental en Afrique de l'Ouest. Une conférence internationale sur le Sahel, présidée par le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, est prévue le 26 septembre à New York.

Par ailleurs, les pays africains "ne sont pas nombreux à répondre à l'appel" pour l'envoi de soldats, relève le diplomate occidental. Le Sénégal et le Ghana ont fait savoir qu'ils ne prévoyaient pas d'envoyer de troupes, tandis que le président Blaise Compaoré a assuré que le Burkina Faso était "très disponible". Le ministre de la Défense français, Jean-Yves Le Drian, a réaffirmé jeudi 20 septembre que la France apporterait "un soutien logistique" à une éventuelle intervention militaire dans le nord du Mali, alors que Paris est sous le coup d'une menace d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) de tuer des otages français.