Le Premier ministre égyptien Hicham Qandil a annoncé la composition de son gouvernement. Surprise, et de taille : sept ministres du cabinet sortant conservent leur portefeuille dont le Maréchal Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées.
Plus d’un mois après l’investiture du président Mohamed Morsi, le Premier ministre désigné Hicham Qandil, un technocrate jusqu'ici inconnu du grand public, a choisi les membres de son gouvernement. Les égyptiens ont découvert avec stupeur la nomination de sept ministres du cabinet sortant, nommé en décembre 2011 par le pouvoir militaire. Parmi eux et pas des moindres, le maréchal Hussein Tantaoui, qui garde le portefeuille de la défense.
Le stratège du « containment » des islamistes égyptiens
À 77 ans, le chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA) est une figure familière des Égyptiens. D'origine nubienne par son père, il fut 20 ans durant le ministre de la Défense de Moubarak. Après la chute de ce dernier, c’est lui qui pris la tête de la junte militaire assurant la transition et provoquant l’ire des révolutionnaires, las de voir les figures de l’ancien régime aux commandes malgré la révolution.
Le Maréchal Tantaoui, premier personnage de l'État, a remis le pouvoir fin juin a Mohamed Morsi, président élu et membre de l'influente confrérie des Frères musulmans, "bête noire" de Moubarak. Sa nomination démontre la détermination des généraux égyptiens à peser sur le pouvoir et les affaires du pays malgré les scrutins remportés par les Frères musulmans.
En effet, après avoir tout fait pour faire battre Mohamed Morsi par leur candidat, Ahmed Chafiq, ancien Premier ministre de Moubarak, et voyant que ce dernier risquait de perdre, les militaires ont publié à la veille de l’élection un décret de la Cour constitutionnelle qui a dissous le Parlement. Signe que même après l’élection présidentielle, ils continuent d’être au cœur du pouvoir : en visite en Egypte, certains dirigeants occidentaux les rencontrent au même titre que Mohamed Morsi.
Selon Alexandre Buccianti, correspondant de RFI pour France 24, rien de surprenant donc. Il souligne que "ce n’est pas du ressort du Premier ministre ou du chef de l’État de garder ou non le maréchal Tantaoui à la Défense". Et rappelle que "le Conseil suprême des forces armées, présidé par Tantaoui, a fait une déclaration constitutionnelle, il y a deux mois environ, qui fait de l’armée son propre maître. Il revient donc au CSFA de nommer le chef des armées, soit le ministre de la Défense." Tantaoui s’est en quelque sorte nommé lui-même.
Déception chez les révolutionnaires
"Cela déplaît bien entendu aux révolutionnaires qui eux ne voulaient plus du tout avoir de militaires au ministère de la Défense, analyse Alexandre Buccianti. Ils avaient espéré un ministre issu de la société civile, et que la Défense perde un peu de ses prérogatives, notamment au niveau du budget, celui de la Défense étant très conséquent et indépendant de celui de l’État. Economiquement il pèse donc très lourd."
Pour Tarek Fahmy, professeur de sciences politiques à l’université du Caire, le choix de ce gouvernement et le maintien de Tantaoui, "montre clairement que les généraux ont parfaitement bien réussi à atteindre leurs objectifs lors des tractations qui ont abouti à cette formation. Ils voulaient garder ces ministères dont certains sont très importants [NDLR : Défense, Affaires étrangères et Finances], et pouvoir aussi peser sur les autres figures que Kandil proposeraient au président Morsi."
"On peut considérer ce gouvernement comme de transition"
Mais le décret qui élargit les prérogatives de l’armée et qui explique la présence de ministres sortants est provisoire : il ne fait effet que jusqu’à la rédaction d’une nouvelle Constitution. Des élections législatives doivent nécessairement avoir lieu à ce moment-là.
Tarek Fahmy souligne donc que ce gouvernement a été nommé en connaissance de cause : "Ce gouvernement n’est pas là pour longtemps et c’est celui-ci que l’on peut considérer comme le gouvernement de transition."
Un comité chargé de rédiger la Constitution avait été désigné par le Parlement avant sa dissolution et a commencé ses travaux, mais la Cour constitutionnelle égyptienne doit encore rendre son jugement sur la légalité de ce comité. La décision est attendue le 4 septembre.