Le privé est-il un bon gestionnaire des hôpitaux publics ? En Grande-Bretagne, l’idée que les marchés soient mieux que le service public fait son chemin. Le journal de l’intelligence économique d’Ali Laïdi a enquêté sur le premier hôpital public géré par le privé.
Hinchingbrooke ne fermera pas. Cet hôpital situé à 30 km de Cambridge était pourtant promis à un avenir sombre… tout comme ses 1800 employés et les 160 000 habitants de la région. En cause : une dette colossale de 40 millions de livres. Mais depuis février, l’avenir de cet établissement public se conjugue au privé. Une première en Grande-Bretagne ! Le privé va gérer un hôpital public.
Le nouvel opérateur de santé Circle Health a 10 ans pour guérir l’hôpital public. La mission est simple : le financement de l’hôpital reste public, les employés continuent à être payés par le NHS (l’assurance santé britannique), les soins demeurent gratuits… C’est le management qui est privatisé.
Et pour y arriver, le directeur de Circle Health, Ali Parsa, précise son objectif : faire chuter les coûts grâce à une meilleure organisation. Et tout cela, sans plan social ni fermeture de services. L’idée à long terme est d’attirer de plus en plus de patients et ainsi accroître les revenus de l’hôpital.
C’est finalement à la manière d’une entreprise qu’Ali Parsa veut gérer Hinchingbrooke.
L’équipe de communication de l’hôpital ne nous a pas autorisés à leur parler. Alors on s’est intéressé aux bénéfices de Circle. Une IRM au tarif public de la NHS coûte 188 livres. A la clinique de Bath, il faut débourser 425 livres, soit deux fois plus !
Mais il y a plus troublant encore…la holding de Circle est cotée en Bourse et enregistrée… à Jersey. A sa tête, des gestionnaires d’actifs et des fonds de pension de la City. Seul l’un d’eux a une expérience médicale. Depuis la création de Circle en 2004, ses actionnaires ont investi 140 millions de livres. Mais en 2010, Circle affiche une dette de 82 millions ! Alors à qui les patients et le personnel de Hinchingbrooke doivent-ils faire confiance pour gérer leur hôpital ? Aux médecins ou aux marchés ?
Pour l’autre côté de la Manche, Bertrand Mas (anesthésiste) tient à préciser que la France n’en est pas encore au stade d’un système aux mains de la finance. Pour lui, la santé n’est pas qu’un coût, c’est aussi une valeur ajoutée pour une société. « C’est moins de gens en arrêt de travail, c’est toute une industrie autour qui fonctionne. Donc il ne faut pas voir la santé uniquement en termes de coût. C’est aussi un apport pour la société ».