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CAN : un empereur en tribune, Kadhafi en coulisses, un record à 5 buts… 9 moments hors norme
Avant le coup d’envoi de la CAN 2025, retour sur neuf histoires qui ont marqué les 34 premières éditions. Des coulisses politiques aux records sur le terrain, un condensé de ce qui fait l’ADN du tournoi africain.
En 70 ans d'existence, la Coupe d'Afrique des Nations a connu d'incroyables histoires. © Studio graphique FMM

La 35e édition de la Coupe d'Afrique des nations, la CAN 2025, se déroule du 21 décembre au 18 janvier prochains au Maroc. Vingt-quatre équipes vont tenter de décrocher le titre tant convoité devant des centaines de milliers de spectateurs réunis dans les stades et des millions d'autres devant leur télévision. La compétition, aujourd'hui un des événements sportifs les plus importants de la planète, a connu un développement considérable en près de 70 ans d'existence : en 1957, lors de la première édition, elle était bien plus confidentielle. 

Dans l'ouvrage "Il était une fois la CAN" (éd. Solar), Hédi Hamel, Charles Moukory et Boniface Murutampunzi reviennent sur sa riche et passionnante histoire. France 24 a sélectionné neufs événements marquants lors de ces 34 éditions.

1957 : une première CAN à trois équipes

La réunion fondatrice de la Confédération africaine de football (CAF) a lieu en février 1957 à Khartoum, au Soudan. Quatre pays se mettent alors d'accord pour l'organisation d'un premier tournoi de football panafricain : le Soudan, l'Afrique du Sud, l'Égypte et l'Éthiopie. La capitale soudanaise est choisie pour l'accueillir.

La compétition se déroule finalement avec seulement trois équipes, en raison de l'exclusion de l'Afrique du Sud, alors régie par le système de l'apartheid. "Le représentant du pays avait dit qu'il allait venir avec une sélection uniquement de Blancs. Les autres ont dit que cela n'était pas possible. La CAF n'a donc compris que trois pays pionniers", raconte Hédi Hamel.

Ce baptême du feu a également lieu ans des conditions précaires. "Le Soudan venait de vivre une guerre civile. Il avait un petit stade et peu de moyens. Les joueurs ont été logés sur des bateaux. C'était très spartiate", décrit ce journaliste qui a couvert 22 éditions de la CAN. La compétition se déroule en seulement deux matches. L'Égypte décroche son premier titre en finale face à l'Éthiopie (4-0).

CAN : un empereur en tribune, Kadhafi en coulisses, un record à 5 buts… 9 moments hors norme
Le capitaine de l'équipe d'Égypte Hanafy Bastan tient le premier trophée de la Coupe d'Afrique des nations en 1957. © Wikipedia

1962 : une victoire de l'Éthiopie sous le regard de l’empereur Haïlé Sélassié

Comme la plupart des compétitions sportives, la Coupe d'Afrique des nations devient une tribune politique pour les différents dirigeants du continent. L'empereur éthiopien Haïlé Sélassié ne déroge pas à la règle. Il comprend très vite l'importance du sport et demande à la CAF d'accueillir l'événement en 1962. "Il a commencé à s'intéresser au sport après la victoire d'Abebe Bikila lors des Jeux olympiques de Rome en 1960 dans l'épreuve du marathon. Il a aidé la sélection nationale de football à débloquer des moyens et il a rénové le stade d'Addis-Abeba", explique Hédi Hamel.

Alors qu'un conflit oppose le gouvernement éthiopien à des mouvements séparatistes érythréens depuis 1961, l'empereur sait l'importance d'une victoire. Malgré une résistance farouche des Égyptiens, le pays hôte s'impose face aux Pharaons en prolongation (4-2). C'est le tout premier et unique titre de champion d'Afrique de l'histoire des Antilopes Walya.

CAN : un empereur en tribune, Kadhafi en coulisses, un record à 5 buts… 9 moments hors norme
L'empereur Hailé Sélassié remet la Coupe d'Afrique au capitaine d'origine italienne de la sélection éthiopienne Luciano Vassalo. © Wikipedia

1970 : l'Ivoirien Laurent Pokou marque cinq buts en un match

Alors qu'il accueille la Coupe d'Afrique pour la seconde fois, le Soudan remporte la compétition à domicile en battant en finale le Ghana (1-0). Mais le tournoi est surtout marqué par un record, jusqu'à présent inégalé. Lors de la victoire 6 à 1 de la Côte d'Ivoire contre l'Éthiopie, l'Ivoirien Laurent Pokou entre dans l'Histoire en inscrivant cinq buts au cours d'une même rencontre. "C'était un attaquant à l'ancienne comme Garrincha, Pelé ou Roberto Carlos. Il avait de l'engagement. Il était à la fois physique et technique. C'était un buteur patenté incroyable. Une vraie star. Son record tient toujours", rappelle Hédi Hamel. Au total, Laurent Pokou a marqué 14 buts en seulement deux participations à la CAN. 

1982 : une Coupe en Libye sous le contrôle de Kadhafi

Si le colonel Mouammar Kadhafi n'aime pas le football, il mobilise des moyens considérables en 1982 lorsque la Libye est choisie pour accueillir la CAN. "À l'époque, il procédait à des investissements colossaux sur le plan touristique avec la construction d'hôtels de luxe au Mali, en Namibie ou encore au Ghana financée par le régime libyen. Il était très impliqué dans le développement de l'Afrique. Et bien évidemment, il avait compris qu'organiser le plus grand spectacle du continent participait de la même politique", estime le journaliste.

Le "guide de la révolution libyenne" profite donc de l'événement pour afficher son anti-impérialisme et promouvoir son idéologie en affichant partout son livre vert. Kadhafi espère également une victoire de sa sélection, mais les Chevaliers de la Méditerranée s'inclinent en finale face au Ghana, qui s'impose aux tirs au but (1-1 a.p., 7-6 t.a.b.).

1990 : le triomphe algérien et le héros Madjer

Pour la première fois, l'Algérie organise la CAN. Sa sélection vient de connaître une décennie dorée. Finalistes de la Coupe d'Afrique en 1980, les Fennecs terminent troisièmes en 1984 et en 1988. Comptant parmi les favoris de cette 17e édition, les Algériens ne tremblent pas et remportent leur premier trophée en battant en finale le Nigeria (1-0). Les Verts ont pu notamment compter sur leur magicien Rabah Madjer, connu pour avoir marqué en finale de la Coupe des clubs champions avec le FC Porto en effectuant une talonnade, un geste qui porte son nom.

"C'était l'un des plus grands joueurs du monde. Il a fait partie de cette génération incroyable qui a battu l'Allemagne lors du Mondial 1982 en Espagne. Il a fait une carrière extraordinaire à Valence et au FC Porto. Il a été demandé par le Bayern Munich et le Barça. Je crois qu'il aurait mérité qu'on lui donne le Ballon d'or, mais à cette époque, ce trophée était destiné uniquement aux joueurs européens", souligne Hédi Hamel.

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1996 : la victoire de l'Afrique du Sud et de la nation arc-en-ciel

Longtemps mise au au ban des nations en raison de l'apartheid qui s'est terminé quatre ans plus tôt, l'Afrique du Sud peut enfin participer à la CAN en 1996. Initialement non qualifié, le pays est choisi pour remplacer le Kenya qui renonce à l'organisation de l'événement. Pour leur première apparition dans la compétition, les Bafana Bafana ne font pas de la simple figuration. Sous les yeux du monde entier, ils soulèvent le trophée en battant à domicile la Tunisie (2-0). "Cet événement restera à tout jamais marqué par la présence dans les stades de Nelson Mandela, avec son maillot des Bafana Bafana noir et jaune. C'est l'éclat de cette Coupe d'Afrique. C'était incroyable et du jamais vu", se souvient le coauteur du livre "Il était une fois la CAN", qui était présent à cette édition.

CAN : un empereur en tribune, Kadhafi en coulisses, un record à 5 buts… 9 moments hors norme
Le président sud-africain Nelson Mandela (à droite) célèbre la victoire avec le capitaine de l'équipe nationale, Neil Tovey (à gauche), brandissant le trophée, après le succès 2-0 de l'Afrique du Sud face à la Tunisie en finale de la Coupe d'Afrique des Nations, le 3 février 1996 à Johannesburg. AFP - MYKEL NICOLAOU

2010 : le triplé historique des Pharaons

Depuis près de 70 ans, une nation domine la Coupe d'Afrique : l'Égypte. En 2010, lors de l'édition organisée en Angola et marquée par l'attaque terroriste contre l'équipe du Togo deux jours avant l'ouverture, les Pharaons réussissent un exploit inédit en remportant un troisième titre d'affilée. Le rouleau compresseur égyptien inflige des défaites cinglantes à ses adversaires. En finale, l'équipe du légendaire Ahmed Hassan s'impose contre le Ghana (1-0) et gagne pour la septième fois la compétition.

"L'Égypte a un football qui ne ressemble à celui d'aucun autre pays. Pendant 50 ans, il ne s'est jamais exporté. Les Égyptiens n'aimaient pas jouer à l'étranger car ils étaient choyés dans leur propre pays. La réussite du football égyptien n'était pas étonnante car ils avaient une organisation et un encadrement largement en avance sur les autres sélections", analyse Hédi Hamel.

CAN : un empereur en tribune, Kadhafi en coulisses, un record à 5 buts… 9 moments hors norme
Des joueurs de football égyptiens sont assis sur les poteaux de but pour célébrer leur victoire lors de la finale de la Coupe d'Afrique des Nations contre le Ghana, à Luanda, en Angola, le 31 janvier 2010. ap - Darko Bandic

2012 : la belle épopée de la Zambie

Après son triomphe en 2010, l'Égypte, triple championne en titre, termine dernière de son groupe. Contre toute attente, la Zambie crée la sensation lors de cette CAN organisée conjointement par le Gabon et la Guinée équatoriale. Même s'ils se sont hissés à deux reprises déjà en finale, en 1974 et en 1994, les Chipolopolos n'ont jamais soulevé le trophée. Grâce à l'entraîneur français Hervé Renard, ils créent l'exploit en éliminant le Ghana en demi-finale puis en tenant en échec en finale la Côte d'Ivoire pendant le temps réglementaire et la prolongation(0-0) avant de remporter la séance de tirs au but (8-7).

Ironie du destin, cette victoire a lieu à quelques kilomètres d'un drame qui a touché la sélection en 1993. Un avion transportant l'équipe avait alors été victime d'un crash aérien tuant 30 passagers dont 18 joueurs. "La Zambie a été décimée, mais la sélection s'est reconstituée très vite. C'est un bastion extraordinaire du football. Tout le monde y joue. Ils ont souvent tutoyé les sommets du ballon rond, et en 2012, ils ont réussi à aller au bout", résume le spécialiste de la CAN. 

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L'entraîneur de l'équipe nationale zambienne de football, Hervé Renard (au centre à gauche), et le capitaine Christopher Katongo déposent des fleurs en hommage aux victimes du vol tragique du 27 avril 1993, au cours duquel toute l'équipe zambienne et son encadrement ont péri lorsque leur avion s'est abîmé dans l'océan Atlantique au large du Gabon, à Libreville, au Gabon, le 9 février 2012. AP - Francois Mori

2023 : l’incroyable revirement de la Côte d'Ivoire

La dernière édition de la CAN donne aussi lieu à un scénario rocambolesque. Pays hôte de la compétition, la Côte d'Ivoire a la pression à domicile. Mais la phase de poules vire au cauchemar lorsque les Éléphants se font humilier devant leur public 4-0 par la Guinée Équatoriale. Après la démission du sélectionneur français Jean-Louis Gasset, les Ivoriens se qualifient pour les huitièmes de finale grâce à une victoire du Maroc.

L'adjoint Émerse Faé reprend les rênes de l'équipe et réussit l'exploit de la mener jusqu'au titre. En finale contre le Nigeria, l'attaquant Sébastien Haller, qui revient lui même de très loin après avoir affronté un cancer, offre la victoire à tout un peuple en inscrivant le but libérateur (2-1). "La Côte d'Ivoire a toujours fait partie des meilleures équipes. Ses joueurs proposent toujours un spectacle extraordinaire. Les voir au bord de l'élimination avant qu'ils ne se revigorent, ce n'est pas une surprise. C'est cela, le football ivoirien", s'amuse Hédi Hamel. "Se relever et gagner."

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L'attaquant ivoirien Sébastien Haller contemple le trophée de la Coupe d'Afrique des Nations après la victoire de la Côte d'Ivoire en finale de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) 2024 contre le Nigeria au stade olympique Alassane Ouattara d'Ebimpe, à Abidjan, le 11 février 2024. AFP - SIA KAMBOU
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