
Les dirigeants des monarchies du Golfe se sont réunis le 14 mai à Riyad pour évoquer un projet d’union entre l'Arabie saoudite et le Bahreïn. Une stratégie qui viserait à déstabiliser la communauté chiite de Bahreïn, en rébellion depuis plus d’un an.
Le roi d’Arabie saoudite avait déjà lancé l’idée au mois de décembre. Lundi 14 mai, le projet a pris une tournure plus concrète lors de la réunion des dirigeants des six monarchies du Golfe (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Koweït, Qatar, Bahreïn et Oman) concernant une union entre Riyad et Manama.
Le but d’un tel rapprochement ? Permettre à l’Arabie saoudite, dont la population est composée d’une majorité écrasante de sunnites, d’annexer l’archipel bahreïni. Car bien que contrôlé par une dynastie sunnite, ce dernier est en effet le seul pays du Golfe à abriter une population majoritairement chiite. Cette dualité dans le royaume, à l’origine d’un soulèvement réprimé dans le sang, est la cause de tensions interconfessionnelles dans la région.
Le soulèvement "déterminant" des Bahreïnis
Les divisions se sont accentuées suite au soulèvement de l’opposition barheïni, dans le sillage du printemps arabe. Déclenchée le 14 février 2011, la révolte visant le régime sunnite en place a été violemment réprimée et a conduit le pays dans une impasse politique.
"La dynastie de Bahreïn ne veut pas entendre parler des revendications chiites. Pour elle, l’intérêt est de sauver sa peau," explique Karim Sader, politologue et consultant sur les pays du Golfe.
En réponse, l’opposition chiite a exprimé son désaccord sur le projet d’union. Alors que le leader du Wefaq, principal groupe d’opposition, a appelé à un référendum sur l'union, le Premier ministre Khalifa Ben Salmane a, quant à lui, évoqué l’"urgence" de mettre en œuvre le rapprochement.
La discorde entre l’Arabie saoudite et l’Iran
Mais au-delà des frontières de l’archipel, l’Arabie saoudite est également affectée par les remous qui secouent son voisin. "Le soulèvement au Bahreïn a été déterminant dans le sens où il a réveillé le vieux spectre du sursaut des minorités chiites," commente le politologue.
"Historiquement, le Bahreïn a toujours été une province disputée, notamment entre la Perse – chiite – et l’Arabie saoudite, sunnite, qui considère le royaume comme sa chasse gardée." En 2010, un incident diplomatique avait éclaté lorsqu’un député iranien avait déclaré que le Bahreïn appartenait à l’Iran. "Si la contestation a le dernier mot, cela va ouvrir la voie aux revendications iraniennes," poursuit le spécialiste de la région.
Craignant que sa propre minorité chiite ne se soulève à son tour, Riyad avait alors déployé les forces de l'ordre pour faire taire le vent de révolte en mars 2011. Une intervention qui avait provoqué des tensions avec Téhéran.
Pour Karim Sader, la concrétisation d’une union aurait essentiellement pour but de donner à Riyad des prérogatives sur le territoire bahreïni : "C’est une manœuvre stratégique qui donnerait le droit à l’Arabie saoudite d’intervenir militairement, ce qui pourrait ouvrir la voie à une agressivité plus grande de la part de Téhéran."
Une union symbolique
Toutefois, une réelle union semble peu probable selon M. Sader, qui soulève l’incapacité du Conseil de coopération du Golfe (CCG) à instaurer une monnaie commune. Plus de trente ans après sa création, le CCG n’a toujours pas réussi à mettre en place une intégration économique entre ses membres.
"Les pays ne se marieront pas vraiment, l’idée serait plutôt de copier le modèle de l’Union européenne, basé sur une confédération, comme la Suisse. Mais cette initiative reflète surtout le sentiment d’inquiétude des pays du Golfe en général dans un contexte de printemps arabe."