Damas a été secouée jeudi par un attentat qui a coûté la vie à des dizaines de personnes. Quatorze mois après le début du soulèvement la situation est des plus critiques. Abdelhamid al-Atassi (photo), membre du CNS, livre son regard sur la situation.
Des dizaines de personnes ont été tuées et une centaine d'autres blessées dans un double attentat qui a ravagé la zone de Kazzaz dans le sud de la capitale Damas, le matin du jeudi 10 mai. Il s’agit de l’attaque la plus violente perpétrée depuis le début du soulèvement en Syrie à la mi-mars 2011. Plusieurs attentats meurtriers ont déjà frappé Damas et Alep (nord), la deuxième ville du pays. Et à chaque fois, le pouvoir et l'opposition se sont accusés mutuellement de les avoir commis..
Alors que Kofi Annan, médiateur de l'ONU et de la Ligue arabe sur le dossier syrien, défend son plan de paix comme seul rempart à la guerre civile, certains évoquent le retrait de la deuxième mission des observateurs de l’ONU, au nombre de 70 à ce jour sur les 300 prévus, en raison des risques encourus.
France24.com a recueilli les réactions de Abdelhamid al Atassi, un opposant syrien vivant à Paris, membre du secrétariat du Conseil national syrien (CNS) et militant du Parti démocratique syrien.
France24.com : la capitale syrienne a été frappée ce matin par deux attentats. Il semble qu’il s’agisse des attaques les plus meurtrières depuis le mars 2011. Comment réagissez-vous ?
Abdelhamid al-Atassi : Ma première réaction c’est l’indignation ! Nous condamnons cet acte barbare et criminel. Il s’agit d’une démonstration de plus des agissements de ce régime criminel qui n’a eu de cesse d’étouffer par tous les moyens une révolution qui est toujours restée pacifique. Le peuple syrien n’a fait que réclamer la liberté et la dignité. Mais le régime est resté fidèle à ce qu’il fut déjà par le passé.
Ces attentats ne profitent qu’au régime de Bachar al-Assad. Là, le pouvoir montre qu’il veut faire échouer l’initiative de paix de Kofi Annan. Il refuse les changements prévus par le plan en six points de l’émissaire de l’ONU.
D’ailleurs si cela avait été de véritables attaques terroristes visant Damas, pourquoi n’y en a-t-il pas eu au début de la semaine pour les élections législatives, cette mascarade organisée par le pouvoir lundi 7 mai ? Le régime a déjà perdu toute légitimité et cherche néanmoins à se maintenir par la force.
France24.com : selon vous, peut-on parler de guerre civile en Syrie ?
Abdelhamid al Atassi : Non, ce n’est pas une guerre civile, c’est une révolution. Il y a en Syrie une agression d’un régime contre une population qui veut en finir avec la tyrannie de cette famille mafieuse que sont les Assad. Bachar al-Assad s’appuie sur les services de renseignements et de sécurité, dont la majorité des membres sont acquis à sa cause.
Il ne faut pas oublier que beaucoup de militaires ont été tués ou emprisonnés pour n’avoir pas voulu tirer sur d’autres syriens. Beaucoup d’hommes courageux de l’armée et des services de sécurité ont rejoint la révolution.
France24.com : le retrait des observateurs de l’ONU a été évoqué. Qu’en pensez-vous et comment envisagez-vous l’avenir en Syrie ?
Abdelhamid al Atassi : Si on retire les observateurs de l’ONU, il faut qu’il y ait autre chose. Il faut que le Conseil de sécurité et l’ONU assument leurs responsabilités et prennent les mesures nécessaires. La communauté internationale ne peut pas laisser le peuple syrien pris en otage. Le Conseil de sécurité doit passer au chapitre sept*, assurer la protection des civils syriens et traduire en justice les dirigeants du pays.
Le prix à payer pour la liberté est cher, mais on ne peut reculer. L’avenir pour la Syrie c’est de continuer, de faire triompher la révolution et le peuple syrien opprimé et faire chuter ce régime mafieux. Il y aura ensuite une période de transition, puis des élections démocratiques et un état de droit. Nous sommes pour une solution pacifique et prêts à travailler avec les gens qui n’ont pas les mains tâchées de sang.
*Le chapitre VII de la Charte de l’ONU est intitulé "Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression".
Photo de M. Atassi, à Sciences-Po Paris, lors d'une conférence le 24 octobre 2011.