Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou est revenu sur sa décision de provoquer des élections anticipées après l'annonce d'un accord de coalition de dernière minute avec le parti d'opposition Kadima. Décryptage.
Le système politique israélien est régi par un système de représentation proportionnelle, ce qui multiplie le nombre de petits partis politiques. La Knesset, le Parlement, compte 120 sièges.
COALITION AU POUVOIR – 94 sièges
Likoud (droite nationaliste) : 27 sièges
Kadima (centre droit) : 28 sièges
Yisrael Beitenou (ultrantionaliste et laïc) : 15 sièges
Shas (sépharade, sioniste, ultra-orthodoxe) : 11 sièges
Parti de l’Indépendance (parti créé par Ehud Barak après son départ du parti travailliste) : 5 sièges
Judaïsme unifié de la Torah (ashkenaze, anti-sioniste, ultra-orthodoxe) : 5 sièges
Parti national religieux (colons juifs, nationaliste, religieux) : 3 sièges
OPPOSITION - 26 sièges
Parti travailliste (gauche) : 8 sièges
Meretz (social-démocrate) : 3 sièges
Balad (arabe anti-sioniste) : 3 sièges
Hadash (communiste juif et arabe) : 4 sièges
Ra’am Ta’al (arabe anti-sioniste) : 4 sièges
Union nationale (extrème droite) : 4 sièges
Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a créé la surprise lundi en annonçant la formation d’un gouvernement d’union nationale, suscitant de nombreuses questions notamment sur les conséquences d’un tel accord sur la politique internationale.
Au terme de l’accord conclu avec le principal parti d’opposition, le centriste Kadima, la coalition au pouvoir dispose désormais de 94 des 120 sièges à la Knesset (Parlement). Il aura fallu une nuit de négociations intenses dans le plus grand secret pour obtenir l’adhésion du dirigeant de Kadima, Shaul Mofaz, alors que le parti commençait tout juste à se mettre en ordre de bataille pour les élections anticipées attendues en septembre prochain.
Mofaz obtient dans la manœuvre le poste de vice-premier ministre. En rejoignant le cercle rapproché de Netanyahou, il s’assure d’être consulté sur des décisions aussi cruciales que celle d’attaquer les installations nucléaires iraniennes. Dans l’opposition, nombreux ont été ceux qui ont dénoncé ce volte-face – le parti travailliste allant jusqu’à traiter l’accord de coalition d’"alliance des lâches".
Abraham Diskin, professeur de sciences politiques à l’Université hébraïque de Jérusalem, revient pour FRANCE 24 sur les implications de cet accord pour la politique intérieure et extérieure d’Israël.
F24 : Le parti travailliste s’est dit très choqué de l’alliance entre le Likoud et Kadima. Y’a-t-il encore une opposition digne de ce nom en Israël ?
A.D.: C’est la crainte d’une défaite aux élections de septembre qui a conduit Kadima à accepter cet accord. Si on en croit les sondages, les élections s’annonçaient catastrophiques pour les centristes avec des projections de perte de sièges à l’Assemblée de l’ordre des deux tiers (de 28 à 10 sièges). J’ai rencontré plusieurs députés de Kadima après l’annonce de la coalition et ils semblaient très satisfaits d’avoir écarté le risque d’une débâcle en septembre. Mais Kadima risque d’en payer le prix lors de la prochaine élection prévue en octobre 2013.
Dorénavant, sur les 120 députés, 26 représentent l’opposition à la Knesset – dont ceux du parti travailliste, des partis arabes, du parti communiste et du parti d'union nationale d’extrême droite. Les travaillistes devraient pouvoir bénéficier des conséquences de l’accord de coalition dans les prochains mois. Une bonne partie de l’électorat de Kadima devrait considérer que Shaul Mofaz a trahi le parti en rejoignant un gouvernement de droite.
F24 : Cet accord est-il susceptible de limiter l’influence du parti Shas et des ultra-nationalistes au sein de la coalition de Netanyahou ?
Netanyahou a toujours fait tout son possible pour ne pas trop dépendre des partis ultranationalistes ou religieux comme Shas. Les choses n’ont pas toujours été présentées de cette façon dans la presse internationale mais c’est pourtant la vérité. Netanyahou a toujours été plus à l’aise avec les partis centristes. Quand, par exemple, Ehoud Barak a quitté le parti travailliste, Netanyahou était prêt à tout pour l’amener à rejoindre la coalition.
Cela dit, c’est la pression mise par la Haute Cour de justice sur le gouvernement pour modifier la loi exemptant les hommes ultra-orthodoxes de service militaire qui a déclenché la formation de la coalition (Loi Tal, ndlr). Le Shas, partenaire de gouvernement de Netanyahou, y était violemment opposé. L’alliance avec Kadima devrait apporter davantage de soutien aux séculiers et permettre au gouvernement de trouver une solution basée sur l’égalité entre tous les citoyens israéliens.
F24 : Une des raisons du refus de l’ancien leader de Kadima, Tzipi Livni, de rejoindre la coalition était le rejet de Netanyahou d’ouvrir des négociations sérieuses avec les Palestiniens. Que signifie ce nouvel accord pour l’Autorité palestinienne ?
Je ne suis pas d’accord avec Tzipi Livni et je pense que le principal obstacle aux négociations est la position des Palestiniens eux-mêmes. Les dirigeants palestiniens ne reconnaissent pas Israël comme un État juif. Ils le voient encore comme un État impérialiste voué à disparaître de la carte. Au contraire, Netanyahou est le premier dirigeant du Likoud à accepter publiquement l’idée d’une solution à deux États. Dans tous les cas, ce gouvernement d’unité risque de ne pas rester aux affaires beaucoup plus d’un an et demi et je ne crois pas que cela laisse assez de temps pour changer quoi que ce soit aux relations israélo-palestiniennes.
F24 : Cet accord est signé alors que la tension est au plus haut entre Israël et l’Iran. Est-ce qu’il s’agit de montrer un front uni afin de préparer une éventuelle offensive de l'État hébreu contre l’Iran ?
Cet accord de coalition est d’abord une réponse aux problèmes de politique intérieure, liés aux tensions au sein du gouvernement Netanyahou entre les partis religieux et séculiers à propos de la loi Tal. Cela dit, c’est dur d’imaginer que les discussions n’aient pas porté sur l’Iran. Je ne sais pas précisément quelles sont les options sur la table mais une chose est sûre, cela laisse toutes les options militaires ouvertes. La coalition de Netanyahou dispose d’une large base à la Knesset et le nouveau gouvernement israélien ne manque pas d’expertise militaire avec trois anciens chefs d’État-major à des postes de ministre.