Soixante-douze ans après le massacre de Katyn, au cours duquel 22 000 officiers polonais avaient été exécutés par l'armée soviétique, la CEDH a condamné la Russie pour non-respect des droits de leurs descendants.
REUTERS - Soixante-douze ans après l’exécution de près 22.000 officiers polonais par l’armée soviétique à Katyn, près de Smolensk, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné lundi la Russie pour non respect des droits de leurs descendants.
La juridiction du Conseil de l’Europe, saisie par quinze citoyens polonais, estime que la Russie a infligé un traitement inhumain » à dix d’entre eux, qui étaient de très proches parents des victimes, que la Russie n’a jamais informés du destin de leur père ou époux.
Ils ont subi un double traumatisme : ils ont perdu leurs proches pendant la guerre et, pendant plus de 50 ans, n’ont pu découvrir la vérité sur ces décès parce que les autorités communistes soviétiques et polonaises avaient déformé les faits historiques », affirme la Cour.
Le gouvernement polonais s’est félicité de la décision des juges de Strasbourg.
« Le fait que le massacre de Katyn soit désormais reconnu comme un crime de guerre dans la jurisprudence internationale est un fait important », a estimé à Varsovie Marcin Bosacki, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Si la Russie post-soviétique a finalement ouvert une enquête sur le massacre, en 1990, la décision de la clore, en 2004, n’a jamais été rendue publique.
La Cour se dit « frappée par l’évidente réticence des autorités russes à admettre la réalité du massacre de Katyn ».
L’attitude russe atteste, selon elle, d’un « franc mépris pour les préoccupations des requérants et d’une tentative délibérée de jeter la confusion sur les circonstances ayant mené au massacre de Katyn ».
Face au refus de la Russie de lui communiquer à elle-même la décision de 2004, la Cour condamne également Moscou pour manquement à son obligation de coopérer avec elle.
Condamnation symbolique
La Russie a néanmoins estimé que l’arrêt de la Cour lui était favorable sur le point, essentiel à ses yeux, d’une éventuelle réouverture de l’enquête.
La Cour de Strasbourg n’était pas habilitée à se prononcer sur les faits eux-mêmes, antérieurs à la Convention européenne des droits de l’homme, adoptée en 1950, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et à sa ratification par la Russie, en 1998.
Tout en affirmant le caractère imprescriptible de ce « crime de guerre » et l’obligation qui en découle, pour Moscou, de mener une enquête à son sujet, elle ne se prononce pas sur le caractère « effectif » de celle-ci, l’essentiel de la procédure s’étant déroulé avant cette dernière date.
« Ce point aurait été considéré comme une pression sur la Russie », a dit à l’agence Interfax Andrei Fedorov, un représentant du gouvernement russe.
La condamnation de la Russie, qui est susceptible d’appel, a une portée essentiellement symbolique, en l’absence de dommages alloués aux requérants.
Mais c’est la première fois qu’une juridiction internationale était amenée à se prononcer sur l’anéantissement en 1940 de l’élite de la nation polonaise, un crime de guerre dont Moscou a pendant cinquante ans accusé l’Allemagne hitlérienne.
Il a fallu attendre 1990 pour que le dernier dirigeant de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev, admette la responsabilité du NKVD, la police secrète de Joseph Staline.
La Douma d’Etat, la chambre basse du Parlement russe, a adopté en novembre 2010 une résolution selon laquelle les documents conservés dans les archives secrètes du Kremlin prouvent que Staline a bien ordonné personnellement ce massacre.