Signe du réchauffement diplomatique en cours entre Pékin et Ankara, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, est arrivé ce lundi en Chine, où il a été reçu par son homologue chinois, Wen Jiabao. Une première depuis 27 ans.
AFP - Pour la première fois en 27 ans, un Premier ministre turc est arrivé lundi en visite officielle à Pékin, un voyage que Recep Tayyip Erdogan a entamé dans la région autonome musulmane du Xinjiang (ouest) où vivent les Ouïghours turcophones.
La visite à Pékin du Premier ministre turc a été marquée par la signature de deux accords sur le nucléaire.
Recep Tayyip Erdogan a également eu lundi à Pékin des entretiens sur la Syrie et l'Iran avec le Premier ministre chinois Wen Jiabao.
Les deux accords, dont la conclusion a été annoncée au cours d'une cérémonie à laquelle ont assisté les deux chefs de gouvernement, ouvre la voie à une coopération nucléaire accrue entre les deux pays.
L'un des accords est une lettre d'intention signée entre l'administration nationale chinoise de l'Energie et le ministère turc de l'Energie, mais aucune autre précision n'a été fournie.
Au début de leur entretien, M. Wen a souligné que M. Erdogan était le premier chef de gouvernement turc à s'être rendu dans le Xinjiang, où vit une population de quelque 9 millions d'Ouïghours musulmans et turcophones.
M. Wen a indiqué que M. Erdogan avait laissé une "bonne impression" sans fournir d'autres détails concernant sa visite dimanche dans la capitale du Xinjiang, Urumqi.
M. Erdogan avait dénoncé avec une virulence particulière la répression exercée par les autorités chinoises dans la région après les émeutes qui avaient fait au moins 184 morts en juillet 2009 à Urumqi. Il avait appelé la Chine à mettre un terme à sa politique "d'assimilation" de la minorité ouïghoure, et qualifié de "génocide" les violences interethniques entre Hans et Ouïghours.
Au cours de leur entretien à huis-clos, MM. Wen et Erdogan ont évoqué la situation en Syrie ainsi que le dossier du nucléaire iranien, a rapporté la télévision officielle chinoise.
La Turquie et la Chine ont des positions différentes concernant le conflit en Syrie. M. Erdogan, qui fut autrefois un allié du président syrien Bachar Al-Assad, a menacé de prendre des mesures si le régime de Damas ne cesse pas les violences à la date butoir du 10 avril fixée par le plan de l'ONU. Pékin rejette pour sa part toute ingérence internationale dans les affaires intérieures de la Syrie.
L'Iran, de son côté, a confirmé lundi que les discussions avec les grandes puissances sur son programme nucléaire reprendraient samedi à Istanbul après une controverse avec la Turquie sur le choix du lieu. Téhéran avait un temps affirmé ne plus vouloir tenir cette rencontre à Istanbul pour protester contre le soutien d'Ankara à l'opposition armée syrienne.
Avant d'arriver à Pékin, M. Erdogan s'était arrêté dimanche à Urumqi, la capitale du Xinjiang, immense territoire régulièrement secoué par des fortes tensions entre Hans (ethnie majoritaire en Chine) et Ouïghours.
"C'est assez inattendu parce que les Chinois n'aiment pas laisser les Turcs aller au Xinjiang", a déclaré à l'AFP le professeur Jean-Pierre Cabestan, expert de la Chine à l'Université baptiste de Hong Kong.
"Mais les relations avec la Turquie se sont très nettement réchauffées depuis 3-4 ans", a-t-il poursuivi. "Les Chinois ont besoin de la Turquie. Au Moyen-Orient, ils ont besoin d'un appui. Ils voient bien que la Turquie est un pays qui monte, se développe, reste a la porte de l'Union européenne mais a un rôle particulier à la fois par rapport au Moyen-Orient et à l'Europe."
De nombreux Ouïghours dénoncent la répression culturelle et religieuse à leur encontre ainsi que l'immigration massive de Hans qui mènent le développement économique de cette région encore pauvre mais riche en ressources naturelles.
Lors de sa visite officielle à Pékin, Recep Tayyip Erdogan doit être reçu par le président chinois Hu Jintao et le vice-président Xi Jinping.
Le chef de gouvernement turc se rendra aussi à Shanghai, la capitale économique de la Chine.
Le volume du commerce bilatéral entre la Chine et la Turquie a bondi de 1 milliard de dollars en 2000 à 19,5 milliards en 2010, selon les chiffres officiels. Mais la balance commerciale est très nettement en faveur de la Chine.