Sept mois après l'abandon des poursuites pénales contre Dominique Strauss-Kahn à New York, ses avocats vont tenter d'obtenir le classement de l'affaire Diallo. Selon eux, DSK bénéficiait d'une immunité "absolue" au moment des faits.
Affaire Diallo, acte II. Sept mois après l’abandon des poursuites dans la procédure pénale – et deux jours après la mise en examen à Lille de Dominique Strauss-Kahn pour "proxénétisme en bande organisée" dans l'affaire du Carlton - s’ouvre, ce mercredi, la procédure civile dans un tribunal du Bronx. À 14 heures, les avocats de l’ancien patron du Fonds monétaire international (FMI) et de son accusatrice, la femme de chambre guinéenne Nafissatou Diallo, vont s'affronter devant un juge. Si l’ancien homme politique français a évité la prison, il pourrait, cette fois, avoir à verser d'importants dommages et intérêts.
Le 23 août dernier, toutes les charges concernant
Dominique Strauss-Kahn ont été abandonnées au pénal par le procureur. Mais le 8 août, Nafissatou Diallo, qui accuse DSK de l'avoir contrainte à une fellation dans sa suite du Sofitel le 14 mai précédent, décidait aussi de porter plainte au civil contre lui pour "agression violente et sadique". L’ancien ministre français de l'Économie a, pour sa part, reconnu avoir eu avec elle une relation "inappropriée", mais a affirmé dans une interview télévisée en septembre dernier qu'il n'y avait eu "ni violence, ni contrainte, ni agression".
Aujourd'hui, le juge Douglas McKeon, en charge du dossier au tribunal du Bronx, va convoquer les avocats des deux parties pour une audience dite d'"oral argument", qui portera sur l’immunité diplomatique de Dominique Strauss-Kahn. Les deux protagonistes de l'affaire ont choisi de ne pas être présents.
Convention internationale pour les hauts fonctionnaires
itS'appuyant sur une convention internationale pour les hauts fonctionnaires travaillant pour les agences spécialisées adoptée par les Nations unies en 1947, les défenseurs de DSK vont demander le classement de l’affaire, arguant que leur client, ancien directeur général du FMI, était protégé par une "immunité absolue" au moment des faits, y compris pour des actes commis à titre personnel. Les avocats de Diallo feront valoir, eux, que l'immunité ne peut pas s'appliquer, puisqu'ils estiment que celle-ci se limitait aux "actes officiels" de l'intéressé. Ils rappelleront également que les États-Unis n’ont jamais signé cette convention et devraient utiliser des éléments de l’affaire du Carlton dans la procédure.
Aucune décision du tribunal du Bronx n'est attendue ce mercredi. Le juge McKeon, qui a déjà reçu les conclusions écrites des deux parties, a prévu de communiquer sa décision par écrit dans les semaines qui viennent. S’il décide que DSK bénéficiait d'une immunité, ce sera alors la fin de la procédure civile. Dans le cas contraire, un procès aura lieu et un jury de six personnes sera constitué. Il se déroulera dans ce même tribunal du Bronx, qui est considéré comme plus favorable aux plaignants.
Le choix d’un tribunal du Bronx par Nafissatou Diallo semble être motivé par l’idée que les jurés, issus de quartiers de New York à majorité noire, lui seraient plus favorables."Il y a cette idée sous-jacente selon laquelle les jurés de Manhattan ne seront jamais aussi favorables aux plaignants, ou ne lui donneront jamais autant de dédommagements que les jurés du Bronx", commente l’avocat américain Leonard Lesser, qui a plaidé dans de nombreuses affaires sexuelles jugées ici. Une réputation, notamment liée à la composition ethnique de la population et à la pauvreté de ce quartier new-yorkais, que le juge McKeon dément catégoriquement.
Avant de savoir si le procès aura lieu ou non, il va toutefois falloir encore attendre de longues semaines. Il faut parfois attendre 18 à 24 mois, estime Emmanuel Saint-Martin, le correspondant de FRANCE 24 à New York. Et de rappeler : "Aux États-Unis, la majorité de ces affaires se soldent par un accord amiable".