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Pourquoi le régime du président "ATT" était fragilisé

Le président Amadou Toumani Touré, dont le pays passait pour un modèle de démocratie en Afrique de l'Ouest depuis une vingtaine d'années, a été renversé. Quelles sont les raisons de ce putsch ? Réponse avec le chercheur Philippe Hugon.

Quelques heures après le coup d’État perpétré jeudi matin à l'aube par un groupe de militaires au Mali, un couvre-feu a été instauré de 18 heures à 6 heures dans le pays. "Toutes les frontières ont [par ailleurs] été fermées jusqu’à nouvel ordre", a ajouté l’un des mutins, le sergent Salif Koné, à l’AFP.

Des soldats ont en effet annoncé tôt, jeudi 22 mars, à la télévision nationale malienne avoir mis "fin au régime incompétent" du président Amadou Toumani Touré, au pouvoir depuis 2002, et avoir mis en place un Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'État (CNRDR).

Leur porte-parole, le lieutenant Amadou Konaré, a affirmé qu'ils avaient agi face "à l'incapacité" du gouvernement "à gérer la crise au nord de notre pays", en proie à une nouvelle rébellion touareg depuis le mois de janvier et aux activités de groupes islamistes armés depuis plusieurs mois.

Selon le correspondant de RFI et de FRANCE 24 sur place, Serge Daniel, l'entrée en vigueur d'un couvre-feu a pour but de ramener le calme dans la capitale, Bamako, où des affrontements sporadiques et des "actes de vandalisme" ont eu lieu ce jeudi.

"Avant tout un putsch à l'intérieur de la hiérarchie militaire"
Pour Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et auteur d'un ouvrage intitulé "La Géopolitique de l’Afrique", plusieurs raisons expliquent ce putsch dans un pays déstabilisé par le retour de mercenaires ayant opérés en Libye.
Selon lui, la première est à chercher dans "un mécontentement de la base de l’armée, car les mutins sont pour la plupart peu gradés, contre la hiérarchie. Ils lui reprochent de ne pas avoir reçu le matériel nécessaire pour lutter contre la rébellion touareg", explique-t-il avant d'ajouter : "Il s'agit avant tout d'un putsch à l’intérieur de la hiérarchie militaire". Cette mutinerie intervient alors que l’armée a essuyé de lourdes pertes humaines dans le nord du pays, où certaines villes sont tombées sous le contrôle de la rébellion, rappelle celui-ci.
Ançar Dine ("Défenseur de l'islam"), un mouvement islamiste armé touareg qui veut imposer la charia au Mali, a en effet affirmé mardi 20 mars avoir pris le contrôle de trois villes du nord-est du Mali situées à proximité de la frontière algérienne : Tinzawaten, Tessalit et Aguelhok.
Un président plus largement contesté
Reste que la rébellion touareg semble ne pas être le seul mouvement d'opposition auquel les autorités maliennes ont été confrontées ces derniers temps. "Apparemment, une partie de la société malienne n'est pas complètement hostile au coup d’État", reprend Philippe Hugon, qui explique que le président "ATT" était devenu la cible de nombreuses critiques.
"On lui reproche non seulement son échec face à la rébellion touareg, mais aussi le fait d'avoir été trop timoré dans sa lutte contre Al-Qaïda et les réseaux salafistes", affirme celui-ci. "Il n’est pas impossible que certaines forces politiques soutiennent le putsch", avance encore le chercheur.
Bien que l'élection présidentielle, dont le premier tour devait se dérouler le 29 avril, ait été annulée, Philippe Hugon ne s’attend pas à voir les militaires rester durablement au pouvoir. "Je m’attends plutôt à ce qu'ils le remettent dans quelques temps à des civils, sans que l'ont sache toutefois de quelle manière", explique-t-il, avant de conclure :  "La question la plus importante n'en reste pas moins celle de la rébellion touareg et de savoir s’il y aura ou non de réels affrontements".

Tags: Touareg, Mali,