Vladimir Poutine a remporté la présidentielle russe avec plus de 58 % des voix, selon deux sondages de sortie des urnes. L’homme fort du pays signe ainsi son retour au Kremlin après avoir occupé durant quatre années le poste de Premier ministre.
REUTERS - Vladimir Poutine a été élu dès le premier tour à la présidence russe, son troisième mandat au Kremlin depuis 2000, malgré une vague de contestation sans précédent et les doutes de l’opposition quant à la légitimité de ce scrutin.
Selon les sondages effectués à la sortie des bureaux de vote, il est crédité de plus de 58% des voix.
Quatre ans après avoir dû céder son fauteuil présidentiel à Dmitri Medvedev à l’issue de ses deux premiers mandats (2000-2008), le Premier ministre russe est confronté à une vive contestation depuis les législatives de décembre dernier, marquées selon l’opposition par de nombreuses fraudes.
Le chef du gouvernement était opposé au communiste Guennadi Ziouganov, à l’ultranationaliste Vladimir Jirinovski, à l’ancien président de la Chambre haute du Parlement Sergueï Mironov et au milliardaire Mikhaïl Prokhorov.
Guennadi Ziouganov, son plus proche rival, est à moins de 20% des voix, selon les sondages de sortie des urnes.
Donné vainqueur par toutes les enquêtes en l’absence de rivaux sérieux, Vladimir Poutine tablait sur une large victoire à même de briser l’élan d’un mouvement qui le dépeint comme un dirigeant autoritaire entouré d’une élite assise sur les énormes richesses du premier producteur mondial d’hydrocarbures.
« Je pense que cette élection sera légitime et juste et que Poutine gagnera au premier tour, à moins que les tribunaux en décident autrement », a déclaré le porte-parole de Poutine, Dmitri Peskov, à la chaîne Dojd, diffusée sur internet et sur le câble.
Le ministère de l’Intérieur a dit ne pas avoir enregistré de graves irrégularités.
"Le pays a besoin d'un dirigeant fort"
Des blogueurs et des observateurs dépêchés par l’opposition dans les bureaux de vote ont signalé en revanche des infractions. Golos, un groupe indépendant, a dit avoir décompté au moins 2.283 irrégularités à l’échelle nationale.
itEn Tchétchénie, où le parti de Poutine, Russie unie, a obtenu 99% des voix en décembre, des fonctionnaires ont déclaré avoir reçu ordre de voter pour Poutine.
« Ils nous volent nos voix », a déclaré le patient d’un hôpital moscovite, Valentin Gorchoune. « C’est probablement la même chose dans tous les hôpitaux. Je crois qu’ils préparent une vaste manipulation. »
Pour dissiper les soupçons, le chef du gouvernement a ordonné l’installation de webcams dans 91.000 des 95.000 bureaux de vote.
Les chiffres de participation semblent montrer que les Russes se sont largement mobilisés. Ils étaient 48% à avoir déposé leur bulletin dans l’urne à 15h00 à Moscou (11h00 GMT), bien plus que lors de la présidentielle de 2008 remportée par Dmitri Medvedev, selon des statistiques officielles.
Certains électeurs ont regretté l’étroitesse du choix qui leur était proposé, mais d’autre ont jugé que le chef du gouvernement avait fait ses preuves.
« Je vais évidemment voter pour Poutine. Qui d’autre y a-t-il ? Seul Poutine est capable de gouverner la Russie », a estimé ainsi Mikhaïl, étudiant à la faculté d’économie de Vladivostok, où l’élection a débuté, dans l’Extrême-Orient russe.
« Le pays a besoin d’un dirigeant fort », lui a fait écho à Moscou Dmitri Samsonov, un soldat de 23 ans.
Les bureaux ont ouvert samedi à 20h00 GMT dans l’Extrême-Orient et fermé à 17h00 GMT dimanche dans l’enclave de Kaliningrad, territoire russe le plus occidental.
Les résultats définitifs doivent être communiqués lundi.
"Trône hérité"
A la faveur d’une réforme du mandat présidentiel passé de quatre à six ans, avec deux présidences successives, Poutine, âgé de 59 ans, a la possibilité de conserver les rênes du pays jusqu’en 2024.
Il y a quelques mois encore, l’ancien espion du KGB semblait sur une voie royale et la principale interrogation était de savoir s’il allait se maintenir au pouvoir aussi longtemps que Leonid Brejnev ou Joseph Staline.
Tout a déraillé en septembre, lorsqu’il a annoncé un échange Premier ministre-présidence avec Dmitri Medvedev, un « pacte » perçu par beaucoup de Russes comme une basse manoeuvre.
Puis avec le mouvement de contestation né des élections législatives du 4 décembre dernier, qui a poussé des dizaines de milliers de manifestants dans la rue en plein hiver.
Un diplomate occidental en poste en Russie résume en deux phrases le sentiment général qui l’emporte dans les ambassades. « Il y a six mois, les diplomates s’interrogeaient sur ce que ferait Poutine lors de ces douze prochaines années. Maintenant, on se demande tous s’il va aller au terme de son mandat de six ans », dit-il sous couvert d’anonymat.
« S’il devient président, ce sera un président sans légitimité, ce sera un trône hérité », a estimé Alexeï Navalny, un blogueur de 35 ans devenu la figure de proue du mouvement de contestation.