Une récente étude de la très sérieuse Banque centrale européenne montre que, pendant les matchs de la Coupe du monde de football 2010, le volume des transactions financières a baissé de 55 % en moyenne sur les places boursières.
Attention, le football peut nuire à la bonne santé des marchés financiers. C’est, en substance, la conclusion d’une très sérieuse étude de la Banque centrale européenne (BCE) publiée au début du mois de février. Baptisée “The pitch rather than the pit” ("Le terrain plutôt que la salle de marché"), cette analyse rend compte de l’impact de la Coupe du Monde de football 2010 sur le volume des transactions financières à cette époque. “Après avoir observé l’activité durant cette période sur 15 places financières à travers le monde, il apparaît que les matchs de foot ont distrait les traders au point d’affecter le processus de formation des prix”, écrivent les deux auteurs de l'étude.
“Je me souviens qu’on s’était battu alors pour que des téléviseurs retransmettent les matchs”, raconte à FRANCE 24 Éric Valatini, trader pour une banque française établi en Asie. Concrètement, l’étude de la BCE révèle que le nombre d’ordres passés pendant chacun des matchs du Mondial avait chuté de 45 % en moyenne par rapport à la normale. Mieux : chaque but faisait encore plonger de 5 % le volume des opérations financières...
Les auteurs du document se sont également amusés à relever les places financières les plus “accros” au ballon rond. L’Argentine arrive ainsi largement en tête avec un nombre de transactions inférieur de 75 % à la moyenne pendant les rencontres disputées par l'Albiceleste, suivi du Mexique et du Chili. Les traders du Royaume-Uni, pourtant terre historique de football, ont été, eux, les moins distraits (-23 % seulement) par cette manifestation sportive. La France, quant à elle, se situe dans la moyenne avec une chute de 30 % de l’activité boursière.
Remise en cause des modèles classiques
Reste une question : ces conclusions, certes distrayantes, peuvent-elles avoir un intérêt pratique en ces temps de remise en cause de la frénésie boursière ? Mi-sérieux, mi-ironique, le Wall Street Journal se demande ainsi si multiplier les coupes du monde de football ne réduirait pas la volatilité des transactions financières. “Ça ne marchera pas car l’impact sur le nombre de transactions vient justement de ce que ces grand-messes sportives sont exceptionnelles”, rétorque Éric Valatini, qui a également réfléchi à la question sur le blog spécialisé en finance MarginCall.
Il juge en revanche que cette étude est une bonne illustration de l’imperfection de la théorie classique des marchés qui fonde pourtant bon nombre de modèles mathématiques financiers utilisés par les traders pour décider de l’opportunité de passer un ordre. “Ces modèles partent du principe que les marchés sont efficients et rationnels à chaque instant et cette étude prouve que ce n’est pas le cas”, explique Éric Valatini. Qui estime que, pendant des événements comme la Coupe du Monde de football, les traders n’ont rien d’acteurs rationnels et tout d'”animaux décérébrés réunis dans un grand vestiaire sportif”. Reste à savoir comment intégrer ces “animaux” dans un modèle mathématique...