Face à un Conseil de sécurité impuissant après le veto de la Chine et de la Russie, les pays occidentaux et arabes cherchent à mettre sur pied une stratégie alternative pour intensifier la pression sur le régime du président syrien Bachar al-Assad.
L'armée régulière syrienne a lancé lundi 6 février un nouvel assaut contre Homs, bastion de la contestation du régime du président Bachar al-Assad. Trois jours après le veto sino-russe contre une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, l’offensive ressemble à un énième camouflet pour la communauté internationale et l’ONU, paralysées face à la crise en Syrie.
Partant de ce constat d’échec et cherchant à contourner le veto des Russes et des Chinois, les pays occidentaux et arabes cherchent à mettre sur pied une autre stratégie pour accentuer la pression sur Damas. Lundi 6 février à Paris, le président Nicolas Sarkozy a promis que l'Allemagne et la France ne laisseraient "pas tomber le peuple syrien" et n'accepteraient pas "le blocage de la communauté internationale", lors d'une conférence de presse commune avec la chancelière Angela Merkel.
La diplomatie française en première ligne
Le chef de l'Etat a également annoncé qu'il s'entretiendrait dans l'après-midi avec le président russe Dmitri Medvedev de la situation en Syrie, dénonçant comme un "scandale" la brutale répression des manifestations hostiles au régime de Bachar al Assad.
Les rebelles créent un "conseil militaire supérieur"
Un "Conseil militaire révolutionnaire supérieur" a été créé pour "libérer la Syrie" du régime du président Bachar al-Assad, sous le commandement d'un général déserteur de l'armée réfugié en Turquie, selon un communiqué publié lundi.
"Après consultations avec des officiers déserteurs, un accord a été conclu pour créer le Conseil militaire révolutionnaire supérieur en vue de libérer la Syrie de cette bande (le clan Assad)", lit-on dans le communiqué signé par le général Moustapha al-Cheikh.
Ce Conseil a été créé après "l'embrigadement des rebelles (...) qui souhaitent rejoindre nos brigades (...) dans toutes les provinces syriennes".
"Le double veto de Moscou et Pékin a sonné le glas de l’action du Conseil du sécurité sur le dossier syrien, au point de remettre une nouvelle fois en question sa capacité à résoudre des crises internationales majeures ouvrant la voie à de nouvelles dynamiques sur le plan international où la France est en première ligne", explique à FRANCE 24 Sami Nader, politologue et professeur à l’université Saint-Joseph à Beyrouth.
Isoler la Syrie
Et en l’absence d’un improbable revirement de Moscou, le président Sarkozy a rappelé la volonté des Occidentaux de constituer un Groupe des amis de la Syrie, comprenant d’une part les 13 pays membres du Conseil de sécurité qui ont voté, le 4 février, en faveur de la résolution, et d'autre part les pays de la Ligue arabe, l'Union européenne et la Turquie. Soit, "tous ceux qui voudront se joindre à nous pour faire pression sur la Syrie", a précisé dimanche 5 février le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé sur la chaîne BFMTV.
En clair, il s’agit de profiter du consensus arabe pour créer la version syrienne du Groupe de contact sur la Libye, qui avait organisé le soutien international aux opposants au régime du colonel Kadhafi. Selon des responsables américains cités par l’agence Associated Press, ce Groupe des amis travaillerait au renforcement des sanctions contre le régime baasiste, aiderait les groupes de l'opposition syrienne à se rencontrer et à s'unifier, fournirait une assistance humanitaire et tenterait de contrôler les ventes d'armes. "Nous allons aider l'opposition syrienne à se structurer, à s'organiser, l'Europe va encore durcir les sanctions qui sont imposées au régime syrien et puis nous allons essayer de faire monter cette pression internationale et il y a bien un moment où le régime sera obligé de constater qu'il est totalement isolé et qu'il ne peut pas continuer", a ajouté Alain Juppé.
Nouvelle alliance
Cette "alliance des volontaires" qui se dessine pourrait se montrer efficace pour faire plier le président Assad, à condition que la politique de sanctions financières soit efficace, note le professeur Sami Nader. "Le régime syrien ne dispose pas de beaucoup de ressources : plus son économie vacille, plus grande sera sa vulnérabilité." Les Occidentaux ont parallèlement annoncé leur volonté de renforcer les sanctions progressivement mises en place depuis mai 2011, principalement par les Etats Unis et l'Union européenne. Embargo sur le pétrole, gel des avoirs, interdiction de délivrance de visas pour de hauts responsables : l'objectif est d'affaiblir les soutiens financiers du régime syrien et de réduire son approvisionnement en armes.
Un autre option diplomatique semble également prendre corps à l’initiative de la Tunisie. Le Premier ministre tunisien, Hamadi Jebali, a en effet appelé la communauté internationale à rompre ses relations avec Damas pour protester contre la répression sanglante qui a fait quelque 6 000 morts en onze mois selon les militants de l'opposition syrienne. "Le peuple syrien attend des actes [...]. La moindre des choses est de rompre l'ensemble des relations avec le régime syrien […], nous devons expulser les ambassadeurs syriens des pays arabes et des autres pays ", a-t-il déclaré. Tunis a depuis annoncé avoir entamé les procédures "en vue d'expulser l'ambassadeur de Syrie".