
Le Likoud (droite, au pouvoir) désigne son leader. Un scrutin que le Premier ministre devrait remporter, malgré les divisions suscitées par sa politique dans son parti. Décryptage avec Emmanuel Navon, professeur de relations internationales.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, est candidat à sa propre succession à la tête du parti Likoud (droite) lors de la primaire qui l'opposera, ce mardi 31 janvier, à Moshé Feiglin, son unique adversaire. Si la victoire de "Bibi" semble assurée, les analystes prédisent une faible mobilisation en sa faveur, ce qui serait le signe d’un fort mécontentement à son encontre.
Membre du Likoud et professeur de relations internationales à l’université de Tel Aviv, Emmanuel Navon revient sur les enjeux d'un scrutin anticipé que l'actuel chef du gouvernement a peu de chances de perdre.
FRANCE 24 - Quels sont les enjeux de cette primaire ?
Emmanuel Navon - Il s’agit d’une élection en trompe-l’œil dans la mesure où elle a été avancée de façon artificielle par Benjamin Netanyahou dans le but de prendre ses adversaires de court et ainsi s’assurer la victoire. En général, la primaire se déroule un mois avant les élections législatives, dont les prochaines doivent avoir lieu au plus tard en octobre 2013.
La réélection de Netanyahou à la tête du Likoud ne fait peu de doutes [il dirige le parti depuis 2005]. L’inconnue du scrutin, ce sont les scores. L’actuel Premier ministre espère obtenir au moins 75 % des voix. S’il récolte moins de suffrages, cela sera considéré comme un vote sanction et interprété comme une remise en cause de son autorité.
F24 - Quels sont les principaux reproches formulés par les détracteurs de Netanyahou au sein du Likoud ?
E. N. - Le mécontentement envers la politique de Netanyahou ne concerne que l’aile droite du parti. Plusieurs choses lui sont reprochées. Tout d’abord, le discours de Bar-Ilan, en 2009, au cours duquel il avait soutenu l'idée d'une solution à deux États pour sortir du conflit israélo- palestinien. Ensuite, sa position par rapport à la colonisation en Cisjordanie [Netanyahou s’est dit prêt à voter pour un plan américain en faveur d’un nouveau gel de la colonisation].
Autre élément à charge : sa coopération étroite avec le ministre de la Défense, Ehoud Barak, qui mène une politique de gel de la colonisation de facto. Sa frilosité sur la question de l’autorisation rétroactive des avant-postes non approuvés par le gouvernement est également en cause [certains membres du Likoud souhaitent la promulgation d’une loi qui empêcherait la démolition d'habitations israéliennes implantées sur des terres privées]. Enfin, le Premier ministre n’a pas entrepris la réforme, souhaitée par la droite, de nomination des juges.
F24 - Après la primaire, la tenue des élections législatives, prévues en 2013, risque-t-elle d’être avancée ?
E. N. - Selon moi, cela dépendra de l’élection présidentielle américaine. La stratégie de Netanyahou, c’est d’éviter d’avoir contre lui un Obama réélu qui favoriserait un candidat de gauche.
F24 - Quel impact sur la situation dans la région pourrait avoir la reconduction de Netanyahou à la tête du Likoud ?
E. N. - Aujourd’hui, le sujet brûlant est l’Iran. Une forte majorité en sa faveur permettrait à Netanyahou de bénéficier d’un certain calme électoral au sein de son parti et de se concentrer sur le dossier iranien pour, peut-être, mûrir une action militaire contre Téhéran.