La compagnie pétrolière et Thierry Desmaret ont été élevés au rang de prévenus dans l'affaire de l'explosion de l'usine AZF. Jusque-là, seuls le propriétaire de l'établissement et une filiale de Total étaient cités à comparaître.
AFP - Le tribunal correctionnel de Toulouse a placé jeudi Total et son ex-PDG, Thierry Desmarest, au rang des prévenus du procès de l'explosion de l'usine AZF, au terme d'un débat juridique touffu, avant de laisser la place à l'émotion avec la première audition du directeur de l'usine.
Jusqu'à présent, Serge Biechlin, ex-directeur de l'usine, et Grande Paroisse, propriétaire d'AZF et filiale de Total, étaient les deux seuls prévenus, après l'explosion qui a fait 31 morts et des milliers de blessés le 21 septembre 2001.
Ils sont poursuivis pour homicides involontaires, blessures involontaires, destructions et dégradations involontaires par l'effet d'une explosion ou d'un incendie, et infractions au code du travail.
Il y a désormais "un seul dossier et quatre prévenus", a annoncé le président Thomas Le Monnyer après avoir décidé la jonction du dossier principal de l'explosion avec celui des citations à comparaître de la société mère Total et de M. Desmarest, déposées par une vingtaine de parties civiles.
Le tribunal a renvoyé l'examen de la recevabilité des citations à la fin des débats prévue en juin, mais du fait de "la jonction des deux dossiers", Total et son ancien président sont désormais partie prenante au procès.
La défense plaidait l'irrecevabilité, plusieurs demandes de mises en examen de Total ayant été rejetées en six ans d'instruction.
Ses avocats ont fait valoir "l'ambiguïté" de la nouvelle situation remarquant que Total et M. Desmarest pourraient n'avoir été que des "prévenus virtuels" durant les quatre mois du procès si le tribunal conclut in fine à l'irrecevabilité des citations.
Le groupe a assuré dans un communiqué que Thierry Desmarest était "prêt à venir témoigner" tout en parlant aussi de "situation insolite", et Me Michaël Malka, son avocat, a dénoncé à l'audience "une cacophonie judiciaire".
Pour l'association de sinistrés du 21 septembre, Jean-François Grellier s'est réjoui que les "lampistes" ne soient plus seuls. "Le procès réel regroupera enfin les exécutants et les donneurs d'ordre", a-t-il déclaré à l'AFP.
D'autres parties civiles s'étaient en revanche prononcées contre la jonction, redoutant un "artifice" ou un "éparpillement" du procès.
M. Le Monnyer s'est efforcé de rassurer les deux parties en fin de journée en soulignant que la jonction ne bouleverserait pas le programme du procès.
"Dans un premier temps nos questions s'adresseront à l'exploitant, Grande Paroisse et à M. Biechlin, car nous aurons un débat scientifique complexe sur ce qui s'est passé le 21 septembre 2001, avant de chercher les fautes commises à Toulouse, puis dans un deuxième temps de rechercher la responsabilité de Total et de son dirigeant", a-t-il déclaré.
Il a toutefois souligné que Total et M. Desmarest devraient être désormais constamment représentés au moins par un avocat.
L'audience a enfin connu son moment d'émotion avec la première audition de Serge Biechlin, qui a parlé d'"une affaire unique qui détruira toute (s)a vie".
Au bord des larmes, M. Biechlin a raconté sa journée du 21 septembre après avoir affirmé sa "compassion" et sa "solidarité" avec toutes les victimes.
Il a rappelé que l'explosion avait fait 21 morts sur le site (en incluant les sous-traitants, ndlr). "Dix étaient employés de mon usine, cinq des collaborateurs que je voyais tous les jours", a-t-il déclaré.
"En approchant de l'usine, tous les 100 mètres c'était pire, c'était un paysage de guerre" ce jour-là, a-t-il dit dans la salle d'audience, où le silence était grand et l'émotion palpable.