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Les chrétiens du monde arabe fragilisés par les révolutions

L'ONG Portes ouvertes publie une liste des cinquante pays où les chrétiens risquent le plus d'être persécutés. L'organisation s'inquiète notamment de l'impact des révolutions arabes. Analyse.

L’ONG Portes ouvertes a rendu public mercredi 4 janvier son "index mondial de persécution" des chrétiens à travers le monde, recensant les 50 pays où être chrétien serait le plus dangereux. Fait marquant de l'année 2012 : l’Egypte progresse de quatre places dans le classement en raison de l'attentat qui a fait 21 morts le 1er janvier 2011 dans une église copte d'Alexandrie, et de la répression sanglante d'une manifestation le 9 octobre au Caire, au cours de laquelle 27 coptes ont été tués.

Situation démographique des chrétiens d'Orient


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L'ONG exprime des inquiétudes quant à l’impact des révolutions arabes sur les chrétiens du Maghreb et du Moyen-Orient. Le Maroc, l'Algérie, la Libye, la Tunisie, la Syrie, la Jordanie, l'Arabie saoudite ou encore le Yémen sont pointés du doigt. "Le printemps arabe n'a pas vraiment amélioré la situation des chrétiens, pas pour le moment. [...] La montée des partis islamistes comme les Frères musulmans en Egypte et le Front islamique du salut en Algérie fait craindre que le printemps arabe ne se transforme en hiver chrétien", a ainsi déclaré lors d'une conférence de presse Claire Lacroix, coordinatrice France de l'index 2012.

Des situations diverses selon les pays

Un risque qu’Odon Vallet, historien des religions, tend à nuancer. Pour lui, "il est encore trop tôt pour analyser les conséquences des révolutions arabes sur les chrétiens". Il souligne notamment que dans nombre de pays "des difficultés existaient déjà bien avant 2011, notamment en Irak". "La majorité des chrétiens du Moyen-Orient immigrés en Europe ou en Amérique sont d’ailleurs des Irakiens", poursuit-il.

Une position partagée par Marc Fromager, directeur de l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED), organisation catholique chargée de recenser et de soutenir concrètement les chrétiens persécutés. Il rappelle que l’attentat perpétré dans une église copte au Caire fin décembre 2010 a été perpétré "avant que l’étincelle de la révolution ne s’allume en Tunisie début 2011".

Il relève en outre que les différents pays présents dans l’index de Portes ouvertes et qui ont connu des mouvements populaires n’ont pas tous les mêmes relations avec les églises chrétiennes. Alors qu’on ne recense qu’un pourcentage infime de chrétiens en Tunisie ou en Libye, la communauté chrétienne d’Egypte représente 10% de la population et y subit des persécutions de longue date. Le cas de la Syrie est particulier selon lui car, rappelle-t-il, "les chrétiens y ont historiquement toujours été bien traités". "En 2011 leur situation ne s’est pas vraiment dégradée, ils ont par contre tout à perdre en cas de changement de régime", analyse-t-il.

"Islamisation profonde de la société"

Les soulèvements arabes, ont, pour Marc Fromager, provoqué une "certaine ébullition qui a pu exacerber dans certains pays des tensions déjà existantes". Mais plus que les conséquences directes des révolutions, c’est ce qu’elles traduisent qui l’inquiète le plus. Ainsi la montée inattendue des salafistes, en Tunisie et en Egypte, reflète pour lui "un phénomène d’islamisation profonde de la société". Une évolution "de nature à présenter un danger pour les chrétiens, le salafisme n’étant pas tolérant avec tout ce qui n’est pas musulman", indique-t-il.

Dressant un état des lieux des persécutions des chrétiens dans le monde au cours de l’année 2011, l'ONG Portes ouvertes, qui publie ce classement chaque année depuis 1997, a placé en première position la Corée du Nord, juste devant l’Afghanistan. Forte de 21 bureaux à travers le monde, elle base son étude sur un un questionnaire que lui fournissent ses équipes et des experts indépendants.