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Donnedieu de Vabres admet avoir imposé des informateurs dans l'affaire Karachi

L'ancien ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres, mis en examen pour "complicité d'abus de biens sociaux" dans le volet financier de l'affaire Karachi, a admis avoir imposé des informateurs, selon un PV consulté samedi par l'AFP.

AFP - L'ex-ministre Renaud Donnedieu de Vabres, mis en examen dans l'affaire Karachi, a reconnu avoir imposé des informateurs pour sceller en 1994 des contrats d'armement avec le Pakistan et l'Arabie saoudite, contrats qui ont pu selon la justice contribuer à financer la campagne d'Edouard Balladur.

Interrogé par la Division nationale d’investigations financières (Dnif), lors de sa garde à vue les 13 et 14 décembre, pour savoir s'il avait imposé des intermédiaires, M. Donnedieu de Vabres a répondu : "Comme intermédiaire bénéficiant de contrat non. Comme personne utile par leurs informations, c'est tout à fait possible", selon un PV d'audition consulté par l'AFP.

Ces informateurs étaient selon lui rémunérés pour un montant et selon un mécanisme que cet ancien conseiller du ministre de la Défense François Léotard dit ignorer.

"Je me doutais qu’un certain nombre de personnes allaient toucher des commissions, dont M. Takieddine. Par contre je ne savais pas par quel biais ni le montant qu’il allait percevoir", a-t-il affirmé.

Interrogé par l'AFP, l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine s'est insurgé: M. Donnedieu de Vabres "a pu me demander des informations sur des gens qui sont intervenus" dans le contrat, "mais je ne suis aucunement impliqué. Il n'y a pas une seule preuve contre moi", a-t-il martelé.

Plusieurs témoins ont mis en cause M. Donnedieu de Vabres pour avoir imposé les intermédiaires Takieddine, Abdulrahmane Al-Assir et Ali Ben Moussalem, alors que les négociations du contrat de sous-marins Agosta pour le Pakistan étaient déjà bien avancées.

Dans ses dépositions à la police, M. Donnedieu de Vabres dit avoir "assisté à des conversations entre (l'intermédiaire libanais) Abdulrahmane Al-Assir et Takieddine sur les demandes pakistanaises concernant le contrat Agosta et son environnement".

L'ancien ministre de la Culture a été mis en examen le 15 décembre pour complicité d'abus de biens sociaux par les juges d'instruction Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke. Les magistrats tentent de déterminer si des rétrocommissions, alimentées grâce à l'intervention d'intermédiaires dans les contrats Agosta et Sawari II (avec l'Arabie saoudite), auraient financé la campagne présidentielle de 1995 d’Edouard Balladur.

Un récent témoignage vient conforter cette piste.

L’ancien PDG de la branche internationale de la Direction des constructions navales (DCNI), Dominique Castellan, également mis en examen dans le dossier, a réaffirmé aux juges que le réseau Takieddine avait été imposé "courant 1994" par M. Donnedieu de Vabres.

"Il m'a dit qu'il y avait des blocages" sur Agosta. "Je n'ai pas reçu un ordre formel de M. Donnedieu de Vabres, mais c'était un conseil insistant", a déclaré M. Castellan, selon le PV de son audition chez le juge, document que l’AFP a pu consulter.

A l'époque, M. Castellan charge son adjoint Emmanuel Aris de rencontrer M. Takieddine, lequel avait selon lui des demandes "trop élevées".

Mais, en 1994, "j'ai une deuxième fois été convoqué au cabinet du ministre par un autre conseiller qui m'a fait part des instructions de M. Donnedieu de Vabres d'arrêter de tergiverser et de signer l'accord avec M. Takieddine sur ses dernières bases", a raconté M. Castellan au juge.

Mais M. Donnedieu de Vabres refuse d'endosser cette responsabilité: "Il n’était pas dans mes prérogatives d'imposer un destinataire de commissions ou un montant de commissions", a-t-il argué devant les enquêteurs.

"Il n'y a pas eu de conseil insistant de ma part. Il y a eu mobilisation du ministère de la Défense pour obtenir ces contrats qui ont été signés", a-t-il asséné, précisant que le ministre Léotard lui avait présenté M. Takieddine, avec lequel il avait noué une relation "amicale".