Quelque 2600 hectares du Parc national de la Réunion, classé au patrimoine mondial de l'Unesco, sont partis en fumée depuis mardi. Plus de 400 pompiers, gendarmes et militaires sont mobilisés contre le feu et un vent qui complique la situation.
AFP - Cinq jours après le début de l'incendie du Parc national de la Réunion qui a dévoré près de 2.600 hectares d'une flore unique au monde, les professionnels du feu mettent en avant les défis tactiques à relever face à un ennemi imprévisible, "capable de vous prendre à revers en un clin d'oeil" ou de "s'allier au vent pour tout anéantir".
"On déménage!", lance le colonel Lovinsky à ses hommes du PC stratégique, installé à proximité du principal front de l'incendie, au Maido, à près de 2.000 mètres d'altitude. "Le feu n'est plus qu'à 600 mètres, il faut anticiper et quitter les lieux", explique-t-il aux journalistes qui tentent d'accéder au front de l'incendie.
En moins d'une demi-heure, les grandes tentes jaunes qui servent de quartier général à la préfecture, aux pompiers et à l'ONF sont vidées de leurs occupants et de leur matériel, pour être transférées quelques kilomètres plus loin.
Moins de douze heures après l'évacuation, les centaines de tamarins et de cryptomérias de plus de 20 mètres de hauteur ne sont plus que cendre. Le feu n'a pas eu besoin d'atteindre les arbres pour qu'ils brûlent. "La chaleur agit à distance et quand la température atteint un certain degré, les arbres s'embrasent comme des allumettes", explique un pompier.
"On a bien fait d'évacuer. Si vous êtes figés dans des plans arrêtés à l'avance, ça ne marche pas. Le feu est un adversaire coriace qui change d'un instant à l'autre. Il faut bouger avec lui", souligne le préfet de la Réunion Michel Lalande.
Plus de 400 pompiers, gendarmes, agents de l'ONF et militaires font l'expérience de ce jeu tactique avec le feu depuis mardi. Sur les toits de la Réunion, ils tentent de contenir un mur de flammes, haut parfois de 30 mètres, qui change de direction subitement au gré du vent et avance pour mordre dans la forêt ancestrale du Parc national, classé au patrimoine mondial de l'Unesco.
"La météo vous annonce un vent de secteur ouest. Et sur place, vous avez un phénomène tourbillonnant qui souffle au nord et, cent mètres à côté, plein sud", observe André Libeau, coordonnateur de l'ONF sur le front de l'incendie et grand connaisseur de la forêt. Un phénomène qu'il explique par "l'effet du relief, des ravines ou des falaises qui font en moyenne 1.000 mètres de haut".
Le danger ne vient pas seulement du ciel mais aussi du dessous de la terre. "La Réunion, c'est un volcan qui a poussé au milieu de l'océan. Sa base est ancrée à 4.000 mètres au dessous du niveau de la mer et son sommet à 3.000 m au dessus. Sous vos pieds, il y a des centaines de tunnels de lave qui sont larges comme des couloirs du métro ou font seulement un mètre de diamètre. Avec le temps, la végétation a poussé dedans avant de sécher", explique le technicien de l'ONF.
Et quand le feu s'y engouffre, il longe le circuit à la vitesse de l'éclair et ressort plusieurs de dizaines de mètres plus loin. "Il n'y a pas un pompier qui n'a pas dû courir au moins une fois, l'an dernier, parce qu'il avait été pris à revers. Avec des flammes qui avancent à 50 m par minute, vous avez intérêt à ne pas tomber", observe-t-il.
Malgré le danger, il n'y a pas d'autre solution que "la main de l'homme" pour venir à bout du feu, prévient le préfet, en réponse aux critiques grandissantes de certains élus sur le non-engagement de moyens aériens plus conséquents. "Chacun doit comprendre que pour fixer l'incendie. Il faut travailler au sol. Après, on peut le réduire par des moyens aéronautiques", répète-t-il à l'envi depuis trois jours, espérant, avec les nouveaux renforts arrivés vendredi et dimanche de métropole, éteindre tout autant l'incendie que la "polémique".