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Un ancien chef de l'IRA candidat à la présidentielle

Plus de trois millions d’Irlandais sont appelés aux urnes pour la présidentielle jeudi. Des candidats hétéroclites et inhabituels briguent ce poste honorifique. Parmi eux, Martin McGuinness, le candidat le plus controversé en raison de son parcours atypique.

L’Irlande vote aujourd’hui 27 octobre pour élire un nouveau chef d’Etat. Sept candidats sont en lice. Cette campagne présidentielle était placée sous le signe de la crise. Le pays, qui bénéficie depuis l’an dernier d’une aide financière de l’Europe et du Fonds monétaire international amorce une sortie de 3 ans de récession.

Avant le vote, les derniers sondages plaçaient l’homme d’affaire Sean Gallagher en tête de la course. Pendant la campagne dans un pays où le taux de chômage est de 14%, le candidat indépendant Sean Gallagher a su toucher l’électorat à son point sensible : l’emploi. Une tactique efficace dans une Irlande où les jeunes ont repris en masse le chemin de l’émigration.

L’électorat ne semblait pas reprocher à Gallagher d’être le candidat officieux de Fianna Fail, le parti qui a présidé à l’effondrement économique de l’Irlande et qui a été désavoué aux législatives de février. Peut être incarne-t-il le rêve doré d’une époque révolue. Une certaine nostalgie des années de l’essor du Tigre Celtique.

Mais lundi soir, la situation a changé avec une performance désastreuse lors du dernier débat télévisé, sur RTE. Le candidat indépendant Gallagher a dû expliquer son rôle dans le financement du parti qui était au pouvoir pendant les dernières 14 années. Et ses explications étaient peu convaincantes. La course est aussi devenue plus serrée entre Gallagher et le travailliste Michael D Higgins, le candidat du compromis, soutenu par la coalition au pouvoir.

Martin McGuinness, l’ancien chef de l’IRA devenu artisan de la paix en Irlande du Nord est en troisième position dans les sondages. Et dans ce scrutin proportionnel avec transferts des préférences de vote, ce seront sans doute les transferts des voix de M. McGuinness qui départageront Gallagher et Higgins. Martin McGuinness a quitté provisoirement son poste de Vice-Premier ministre d’Irlande du Nord pour se présenter dans cette élection : "Parce que je veux être aux côtés des Irlandais en cette période de crise", explique M. McGuinness, à France 24.

L’IRA (Armée républicaine irlandaise) a renoncé à la violence en 2005. Martin McGuinness est aujourd’hui un homme d’Etat charismatique, respecté à Londres comme à Washington. En Irlande du Nord, il est un élu reconnu. Mais de nombreux électeurs de république d’Irlande ont du mal à l’accepter comme président.

Pour la première fois aussi dans une campagne présidentielle irlandaise, un candidat ouvertement homosexuel est en lice. Sénateur haut en couleur, David Norris est le chouchou des quartiers branchés de la capitale. L'Irlande est en pleine mutation depuis 20 ans. L'Eglise catholique, secouée par des rapports accablant de centaines d'abus sexuels par le clergé a perdu beaucoup d'influence, surtout dans les villes. Nombreux sont ceux qui soutiennent le sénateur Norris. L’Irlande a récemment introduit une législation autorisant le partenariat civil, et la grande majorité des Irlandais était pour. Le sénateur Norris symbolise l’Irlande libérale, moderne, inclusive, cosmopolite, Par contre si on regarde comment certaines régions du pays ont voté dans les référendums par exemple sur le divorce, l’avortement, on doit se rendre compte que le soutien à David Norris "a du mal à passer pas la frontière urbaine", explique l’universitaire Michael Cronin.

Le président irlandais n’a qu’un pouvoir symbolique mais cette campagne a passionné l’Irlande, beaucoup plus que pour les précédentes, si l’on considère l’audience record des derniers débats télévisés. Peut être la présidentielle était-elle une sorte de compensation pour l’absence de souveraineté économique et politique du pays. En effet, depuis l’an dernier, l’Irlande a évité la faillite en recevant l’aide financière de l’Europe et du Fonds monétaire international. Et depuis, Bruxelles et New York dictent leur conduite à Dublin. Par exemple, en ce qui concerne le plan d’austérité drastique imposé aux Irlandais. Donc il y a une surcompensation symbolique dans cette élection présidentielle. Si les Irlandais ne sont plus maîtres de leur politique économique, ils peuvent au moins choisir la personnalité qui incarne la nation. Les résultats sont attendus à partir de vendredi 28 octobre, au soir.