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La Chine et la Russie ont une nouvelle fois coupé court, mardi, au projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU contre le régime de Bachar al-Assad. Comment expliquer leur soutien indéfectible au pouvoir syrien ? Éclairage.

Moscou et Pékin ont de nouveau opposé, mardi, leur veto au projet de résolution de l’ONU condamnant la répression du régime syrien contre le soulèvement pro-démocratique. Fabrice Balanche, chercheur, membre du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient et auteur de 'La région alaouite et le pouvoir syrien', livre les raisons de ce soutien qui, au fil des mois, semble de plus en plus indéfectible.

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FRANCE 24 : Comment expliquer le soutien indéfectible de Moscou à l'égard du régime de Damas ?

Fabrice Balanche : L’une des raisons qui lie la Russie à la Syrie est la présence d’une base navale russe dans le pays, à Tartous qui remonte à la guerre froide. À cette époque, Moscou possédait cette base ainsi qu'une école militaire à Jablé au sud de Lattaquié. Ces deux complexes ont été désaffectés dans les années 1990. Mais depuis  2008 et les évènements en Géorgie, la Russie souhaite se doter à nouveau d’une base navale en Méditerranée. Pour se faire, elle a décidé de réhabiliter celle de Tartous.

Mais l’attitude de Moscou dépasse la simple question syrienne. On est vraiment dans une lutte géopolitique : la Russie veut jouer un rôle sur la scène internationale. Après la chute des régimes irakien et plus récemment libyen, le Kremlin ne veut pas perdre le seul allié qui lui reste désormais au Moyen-Orient. De manière plus large, il souhaite préserver sa zone d'influence dans le monde et garder dans son orbite certains pays  tels l'Angola ou le Mozambique... qui pourraient perdre confiance en son appui si Moscou venait à lâcher la Syrie. Les autorités russes prouvent ainsi, que lorsqu’elles soutiennent un pays, c’est indéfectible.

Enfin, le dernier élément qui lie les deux régimes est la crainte viscérale de l’islamisme. Au nom de cette peur, Moscou considére que tout est permis, notamment les violentes répressions contre les Tchétchènes.

F24 : Quant à la Chine, quel est son intérêt à défendre le régime d’Assad ?

F.B. : Pékin a des intérêts économiques en Syrie. Elle a notamment fait un investissement important en rachetant un tiers des actions de Shell Syrie. Mais ce ne sont pas les raisons principales de son veto.

Comme la Russie, la Chine cherche à prouver que sa voix compte sur la scène internationale. On parle beaucoup du G20, mais l’avenir c’est plutôt le G2 : États-Unis et Chine. Or, Pékin veut briser l’hégémonie américaine et également européenne au Moyen-Orient.

Enfin, elle ne peut cautionner une résolution condamnant la répression que mène le régime contre les manifestants pro-démocratie, pour éviter d’être à son tour montrée du doigt lorsqu’elle réprimera des Tibétains ou des Ouïghours.

F24 : Quelles possibilités s’offrent aux Occidentaux pour tenter de résoudre la crise syrienne ?

F.B. : Il est clair qu’une résolution à l’ONU est vouée à l’échec. Et il ne s’agit pas uniquement de la Russie et de la Chine : d’autres membres du Conseil de sécurité n’ont pas la même position que l’Union Européenne et les États-Unis (l'Afrique du Sud, l'Inde, le Brésil et le Liban se sont abstenus de voter). En s’opposant à un projet de résolution contre la Syrie, les pays du Sud veulent probablement signifier leur mécontentement à l’ONU face à la position des États-Unis contre l’adhésion d’un État de Palestine notamment, mais aussi aux vetos américains contre les projets de résolution visant Israël (pour condamner la colonisation en février 2011, par exemple).

Concernant une éventuelle intervention, il me semble que l’Occident a compris que le régime syrien ne tombera pas tout de suite et que si les Occidentaux contribuent à sa chute, il n’y aura personne pour le remplacer, l’opposition n’étant pas prête à ce jour à prendre le relai. Cela laisserait une brèche dans laquelle pourraient s’engouffrer les islamistes. Par ailleurs, ils ne veulent pas refaire les mêmes erreurs qu’en Irak. À mon avis, si intervention militaire il y a, elle ne surviendrait pas avant les élections américaines en 2012.