Le numéro deux de la police judiciaire de Lyon, Michel Neyret, en garde à vue dans le cadre d'une enquête pour corruption, trafic de stupéfiants et blanchiment d'argent, a concédé des "imprudences". Il sera présenté ce lundi à un juge parisien.
AFP - Le numéro deux de la police judiciaire de Lyon, Michel Neyret, soupçonné de corruption, a concédé avoir été "imprudent" lors de sa longue garde à vue à la "police des polices" qui l'interroge depuis jeudi sur ses liens avec le milieu lyonnais.
"Il a expliqué qu'à la question 'Est-ce que j'ai donné des informations que seul un policier pouvait avoir?', la réponse est oui", a indiqué dimanche une source proche du dossier. "Il a concédé que des choses laissaient penser qu'il avait pu être imprudent."
Une autre source met en garde contre toute conclusion hâtive: "pour l'instant, ceux qui le mettent en cause, ce sont des truands d'un milieu que Neyret a affronté" durant sa carrière presqu'entièrement passée à Lyon.
Un ancien supérieur de Neyret, Daniel Guichot, s'est dit persuadé que le commissaire avait "fait ça à bon escient", "pour lutter contre le grand banditisme". "Historiquement, tous les grands flics ont eu des contacts" avec le milieu car "on n'a pas d'informations auprès des anges gardiens", selon ce retraité de la police.
Le commissaire Neyret sera présenté lundi à un juge parisien au terme de sa garde à vue à l'Inspection générale des services (IGS).
Cinq autres policiers de Rhône-Alpes sont en garde à vue: le patron de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) et deux enquêteurs des "Stups" de Lyon, ainsi que le chef de l'antenne grenobloise de la PJ et son adjoint.
"C'est un terrible séisme dans la police nationale", a réagi dimanche soir sur BFMTV le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, ajoutant que si ces faits étaient avérés, "ce serait extrêmement grave". Dans un tel cas, "des sanctions seront immédiatement prises".
Depuis jeudi, Michel Neyret, 55 ans, a en particulier été questionné sur ses relations avec deux hommes, réputés proches du milieu lyonnais, écroués après avoir été mis en examen notamment pour corruption, selon une source proche du dossier.
Le premier, Stéphane Alzraa, est soupçonné d'avoir mis à disposition du commissaire Ferrari et Rolls Royce lors de séjours sur la Côte d'Azur.
Le second, Gilles Benichou, est une figure de la nuit lyonnaise. Le journal Le Progrès de Lyon a révélé samedi qu'il jouait un petit rôle de policier dans le film de l'ex-flic Olivier Marchal, "Les Lyonnais", qui sort fin novembre.
Tout comme il a reconnu avoir été invité sur la Côte d'Azur, le commissaire Neyret a admis un voyage à Marrakech qui semble avoir été payé par Benichou, selon une source proche du dossier.
Mais il n'est pas allé jusqu'à parler de corruption, évoquant une amitié "revendiquée" avec Benichou. La question que Neyret se pose désormais est de savoir "si cette amitié était aussi innocente d'un côté que de l'autre", selon la source.
Neyret doit aussi être interrogé sur des soupçons de détournement d'importantes quantités de cannabis pour rémunérer des "indics". Son entourage assure que les faits n'ont pas pu aller au-delà de cette "rémunération" et réfute qu'il ait pu se faire trafiquant. Selon son avocat, Me Yves Sauvayre, Neyret ne dispose pas de compte en Suisse, où se sont rendus les limiers de l'IGS.
Agée de 62 ans, l'épouse de Neyret a été mise en examen samedi, mais laissée libre sous contrôle judiciaire.
La chute de son mari s'est nouée en novembre 2010, quand, lors d'une grosse saisie de cocaïne dans un appartement de Neuilly-Sur-Seine, les Stups ont vu leur échapper les trafiquants qui, sont-ils convaincus, avaient été "tuyautés".
Des écoutes ont permis de remonter à Neyret, "flic à l'ancienne" et as de l'antigang lyonnais. Elles ont également mis au jour des contacts avec des collègues lui demandant de faire passer "des trucs" susceptibles de rémunérer des indicateurs.
Les trafiquants présumés de l'appartement de Neuilly ont également été interpellés cette semaine.