Après quatre années à la tête de la Mission de l'ONU en Côte d'Ivoire, le diplomate sud-coréen quitte, ce mercredi, ses fonctions avec l'"immense espoir" que le pays reste engagé sur le chemin de la paix. Bilan d'un mandat agité.
Après quatre années passées à la tête de la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), Young-jin Choi tire sa révérence. "Traître" pour les uns, "ami de la Côte d’Ivoire" pour les autres, le diplomate sud-coréen quitte ses fonctions ce mercredi avec l’"immense espoir" que le pays s’engage définitivement sur la voie de la réconciliation nationale.
L’ancien chef de l’Onuci ne partira pas d’Abidjan les mains vides. Le 7 août, il a été élevé à la dignité de Grand Officier de l'ordre national par le président ivoirien, Alassane Ouattara. Un véritable satisfecit délivré à celui dont la – lourde - charge fut d’avaliser le scrutin présidentiel de décembre 2010 censé mettre un terme à près d’une décennie de crise politico-militaire.
Une première en Afrique
Quand Young-jin Choi remplace, en octobre 2007, le Suédois Pierre Schori comme représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire, le pays, coupé en deux, sort de cinq années de conflit armé entre les rebelles nordistes des Forces nouvelles (FN) et le gouvernement de Laurent Gbagbo. Alors engagés dans un plan de sortie de crise depuis la signature des accords de Ouagadougou en mars 2007, les belligérants en appellent à la neutralité des Nations unies pour garantir le bon déroulement de la présidentielle. La mission de l’organisation internationale : "certifier que tous les stades du processus électoral fourniront toutes les garanties nécessaires pour la tenue d’élections présidentielle, législatives ouvertes, libres, justes et transparentes, conformément aux normes internationales". Une première sur le continent africain.
Pour jouer ce rôle de certificateur, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, choisit son ami et compatriote Young-Jin Choi, alors représentant permanent de la Corée du Sud auprès de l’ONU et ancien sous-secrétaire général au département des opérations de maintien de paix entre 1998 à 1999.
"Un choix judicieux", affirme Maurice Mahounon, spécialiste des opérations de maintien de la paix en Afrique de l’Ouest, joint par FRANCE 24. "Il fallait trouver un homme avec une forte personnalité et, tout au long du processus électoral ivoirien, Young-jin Choi a prouvé qu’il était cet homme, indique le chercheur. Le diplomate sud-coréen a su imposer les règles de la démocratie à toutes les parties." Une volonté de fer qui a énervé tantôt le camp d’Alassane Ouattara, tantôt celui de Laurent Gbagbo.
"Fidèle à ses principes"
Souvent pris entre deux feux de critiques, "l’homme a su rester fidèle à ses principes", estime Maurice Mahounon. Un avis que partage Eugène Lakpomé, analyste de politique internationale au sein du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix (ROP). "Young-jin Choi n’a jamais varié, explique-t-il. Il n’a pas hésité à demander la révision des listes électorales, en dépit de protestations du camp Ouattara. De même, il n’a pas tergiversé, quand il le fallait, pour certifier en décembre 2010 les résultats du second tour de la présidentielle donnés par la Commission électorale indépendante, au grand dam du camp Gbagbo au pouvoir à l’époque."
"Le diplomate sud-coréen a toujours su se mettre à la hauteur de tout, renchérit Eugène Lakpomé. Il a trouvé un pays divisé et truffé de structures ethniques, il laisse derrière lui un pays réunifié, avec des institutions républicaines qui sont en train de se mettre en place." Puis de nuancer : "Mais beaucoup de choses restent encore à faire" tels "la réconciliation nationale" et le "désarmement des milices".
Beaucoup plus sévère, Augustin Guehoun, porte-parole du Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo, estime que le diplomate "a trahi" le camp de l’ancien président, aujourd’hui en détention à Korogho (Nord). "Son rôle était de veiller au bon déroulement des élections et non de prendre la place du Conseil constitutionnel, seul habilité à proclamer les résultats définitifs du scrutin."
Des accusations que l’intéressé a toujours rejetées. Interrogé mardi par RFI, Young-jin Choi a tenu à clarifier les choses : son rôle de certificateur était celui de dire qui était "vainqueur de l’élection" et non qui était "président", a-t-il tenu à préciser. L'histoire, elle, retiendra qu'il a été le premier chef d’une mission des Nations unies à avoir dire "non" à un dirigeant africain qui a voulu s’accrocher au pouvoir.