Le patron de News Corp. a présenté ses excuses pour le scandale des écoutes téléphoniques du News of the World qui l'a contraint à fermer le tabloïd. Un peu plus tôt, la directrice générale de la branche britannique du groupe avait démissionné.
AFP - Le magnat des médias Rupert Murdoch a présenté des excuses inédites vendredi pour le scandale des écoutes qui l'a contraint à accepter la démission d'une protégée, Rebekah Brooks, après avoir dû fermer le tabloïd News of the World et abandonner un projet-clé d'expansion de son empire au Royaume-Uni.
L'octogénaire australo-américain a exprimé ses regrets, assortis d'une promesse d'autres mesures réparatrices concrètes, pour les "fautes graves commises", dans des encarts signés de sa main à paraître dans les journaux britanniques.
Il a aussi présenté des excuses "sincères et sans réserve" aux parents de Milly Dowler, assassinée en 2002. Le pays a été révulsé par la révélation qu'un détective travaillant pour le compte du News of the World (NOTW), tabloïde fleuron de M. Murdoch, avait effacé des messages du portable de la fillette disparue, donnant l'espoir aux proches et policiers qu'elle était encore en vie.
Depuis le scandale ne cesse d'enfler. Le groupe News Corp de M. Murdoch est désormais visé ou menacé par des enquêtes en Grande-Bretagne, en Australie et aux Etats-Unis. Le FBI a ouvert une enquête préliminaire pour établir si des écoutes illégales ont été pratiquées, notamment de victimes de l'attentat du 11-Septembre.
Le coup de théâtre de la démission de Rebekah Brooks, 43 ans, directrice de la branche britannique de News Corp., s'inscrit dans la contre-offensive de M. Murdoch.
Il avait traversé l'Atlantique le week-end dernier pour apporter son soutien indéfectible à cette rousse flamboyante, souvent présentée comme son "septième enfant".
Mais sa position était d'autant plus intenable qu'elle a dirigé la rédaction des deux tabloïdes britanniques du groupe, le Sun et surtout l'hebdomadaire NotW, soupçonné d'avoir écouté quelque 4.000 personnes: hommes politiques, membres de la famille royale, victimes de crimes comme la petite Milly, ou proches de soldats tués en Irak ou en Afghanistan.
Dans l'espoir de désamorcer la crise, M. Murdoch avait ordonné dimanche la fermeture du journal, après 168 ans de chasse aux scoops.
Le départ de la "reine des tabloïdes" semblait unanimement souhaité. "C'est la bonne décision", a laconiquement commenté le Premier ministre conservateur David Cameron, jadis réputé proche d'elle. "Elle aurait dû partir plus tôt", a regretté le chef du Labour, Ed Miliband. "Bien sûr qu'elle doit partir", avait tranché le prince saoudien Al Waleed, deuxième plus gros investisseur dans News Corp., implanté en Europe, en Asie et aux Etats-Unis.
Les trois grands partis britanniques avaient déjà présenté un rarissime front uni mercredi pour exiger l'abandon du projet de rachat de la totalité du bouquet satellitaire BskyB par M. Murdoch.
"Ma démission me donne la liberté et le temps de coopérer entièrement aux enquêtes présentes et futures", a déclaré Mme Brooks, aussitôt remplacée par Tom Mockridge, directeur général de Sky Italia, filiale de News Corp.
Elle comparaîtra mardi devant la commission des médias de la chambre des Communes, en compagnie de Rupert Murdoch et de son fils James, président de News International.
Les députés qui la composent viennent de se faire les dents sur trois hauts dirigeants de Scotland Yard, accusé d'avoir bâclé l'enquête et de receler des informateurs corrompus, même si neuf interpellations ont été effectuées, dont celle d'Andy Coulson, politiquement embarrassante. Cet ancien rédacteur en chef du NotW était en janvier encore directeur de la communication du Premier ministre.
Le tandem sera enfin appelé devant la commission publique d'enquête créée pour faire toute la lumière sur l'affaire des écoutes et "mettre de l'ordre" dans les pratiques des médias.
En attendant, l'empire est menacé, comme l'illustre la couverture de The Economist, avec une photo-montage d'un buste romain lézardé du magnat, rebaptisé "MURDOCVS MAXIMVS".