
Des dizaines de milliers de personnes ont maintenu la pression exercée à l'encontre du régime en défilant, ce vendredi, dans plusieurs villes du pays. Dans le nord-ouest de la Syrie, des hélicoptères de l'armée ont tiré sur la foule.
AFP - Les forces syriennes aidées d'hélicoptères militaires ont tué au moins 22 civils parmi les dizaines de milliers de manifestants descendus vendredi dans la rue pour protester contre le régime, le nord-ouest du pays s'enfonçant dans le chaos.
Près de trois mois après le début de la révolte le 15 mars et en dépit des sanctions et des protestations internationales, le régime de Bachar al-Assad paraît déterminé à mater dans le sang toute contestation, des agissements qualifiés d'"atroces" par Ankara et de "massacres" par Washington.

La répression a été particulièrement violente dans le gouvernorat d'Idleb (nord-ouest) avec au moins 11 civils tués par les forces de sécurité qui ont tiré sur une grande manifestation dans la localité de Maaret al-Nouman, proche de celle de Jisr al-Choughour, selon des témoins et des militants.
Le père de l'un des manifestants tué du nom de Mohammad al-Dgheim, 30 ans, a affirmé à l'AFP que ce dernier avait été "touché à la poitrine par un tireur embusqué", affirmant ainsi qu'un militant sur place que des hélicoptères de l'armée avaient tiré sur la foule.
Un autre militant des droits de l'Homme, le chef de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel-Rahmane, a indiqué à l'AFP que des agents de sécurité étaient encerclés par des manifestants à Maaret al-Nouman.
"Les routes ont été coupées par la foule pour empêcher que des renforts militaires ne soient acheminés aux policiers encerclés", selon lui, en faisant état du survol des hélicoptères de la localité.
"Les hélicoptères bombardent la ville", a affirmé un autre militant.
La télévision d'Etat a, elle, fait état d'une attaque "de groupes terroristes armés contre un QG de la sécurité", les autorités accusant depuis le début de la révolte des "gangs armés" d'être à l'origine des troubles.
Ce scénario rappelle celui qu'a connu en début de semaine Jisr al-Choughour, ville meurtrie de la même région, quasi-désertée par ses 50.000 habitants après des violences qui, selon Damas, ont fait 120 morts parmi les forces de l'ordre. Les opposants ont attribué ces décès à une mutinerie au QG de la Sécurité.
Le régime a annoncé une opération militaire dans le secteur de Jisr Al-Choughour, "à l'appel des habitants". "Des unités de l'armée ont commencé leur mission pour contrôler les villages et arrêter les groupes armés", a dit la télévision d'Etat, accusant ces "groupes" d'avoir mis le feu à des récoltes.
Mais un témoin a déclaré à l'AFP que les forces militaires bombardaient des villages autour de Jisr al-Choughour en avançant vers la ville, et accusé les soldats d'avoir mis eux-mêmes le feu à des champs de blé.
C'est pour appeler à défendre cette localité que des dizaines de milliers de militants pro-démocratie ont manifesté vendredi, des régions kurdes du nord, aux villes du centre-est Deir Ezzor et Abou Kamal, en passant par la capitale.
Et le régime a une nouvelle fois répondu par la force, faisant aussi trois morts à Damas, six dans la ville côtière de Lattaquié et deux dans la province de Deraa (sud), épicentre de la contestation, selon l'OSDH.
Ces agissements ont fait sortir de sa retenue habituelle le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, qui s'est souvent présenté comme "un ami" du président syrien.
M. Erdogan, dont le pays a décidé de garder les frontières ouvertes pour les Syriens cherchant un refuge, a décrit comme une "atrocité" la manière dont des femmes ont été tuées par la troupe, jugeant plus généralement "inacceptable" la répression chez son voisin.
Des milliers de Syriens, beaucoup originaires de Jisr al-Choughour, ont trouvé asile de

l'autre côté de la frontière ces derniers jours. Mitraillages par hélicoptères, tirs sur les cortèges funéraires ou les ambulanciers, ils ont livré des témoignages édifiants sur les méthodes employées selon eux par le régime.
En raison des restrictions imposées par le pouvoir syrien, les journalistes ne peuvent circuler librement dans le pays et les informations sont difficiles à confirmer de source indépendante.
Un secouriste syrien, touché d'une balle au dos alors qu'il évacuait un blessé à Jisr al-Choughour, a affirmé sur son lit d'hôpital en Turquie avoir vu "des centaines" de blessés, ainsi que "dizaines de morts, peut-être 100".
Pour le secrétaire américain à la Défense Robert Gates "tout le monde doit se poser la question de savoir si Assad a la légitimité pour gouverner son propre pays après ce type de massacre de vies innocentes".
Mais au Conseil de sécurité de l'ONU à New York, les avis divergent sur l'opportunité de voter une résolution condamnant cette répression, présentée par des pays européens et soutenue par les Etats-Unis. La Russie s'oppose au projet de résolution estimant qu'il risque d'aggraver la situation.
La répression a fait plus de 1.200 morts et entraîné l'arrestation d'au moins 10.000 personnes et la fuite de milliers d'autres depuis le 15 mars, selon des ONG.