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L’ONG de lutte contre la famine Oxfam publie, ce mardi, un rapport alarmiste sur l’avenir de l’agriculture mondiale dans lequel elle met notamment en cause les conséquences dévastatrices du réchauffement climatique.

"Les défis sont incommensurables !" Responsable pour les questions agricoles à Oxfam France, Jean-Cyril Dagorn ne tire pas une mais plusieurs sonnettes d’alarme. Selon le rapport intitulé "Cultiver un avenir meilleur" publié ce mardi par l’ONG qui lutte contre la famine, il faudrait une inflexion drastique des politiques agricoles dans le monde pour éviter une flambée continue des prix et une explosion de la pauvreté, notamment en Afrique subsaharienne, en Amérique centrale et dans des pays asiatiques comme la Mongolie et le Sri Lanka.

Les prix des denrées alimentaires vont, dans les 20 prochaines années, augmenter de 80 % à 160 %, selon Oxfam. Outre les facteurs traditionnellement avancés pour expliquer le phénomène - sous-production, priorité donnée aux biocarburants et volatilité des cours sur les marchés financiers -, l'ONG explique que son amplitude dépendra du réchauffement climatique. 

Organisations internationales passives

"Il amenuise les ressources disponibles. Quant à la multiplication des sécheresses et des inondations, elle crée un sentiment d’incertitude qui entretient la volatilité des prix sur les marchés", explique Jean-Cyril Dagorn. La sécheresse qui sévit actuellement en France risque ainsi d'entraîner une hausse des prix dans les pays d’Afrique du Nord, de la même manière que celle qui a frappé la Russie en 2008 avait été l’un des éléments déclencheurs de l’envolée historique des prix à l'époque.

Mais l’ONG va plus loin : dans son rapport, elle accuse également les institutions internationales et les grands groupes agroalimentaires de ne rien faire pour changer la donne. "La paralysie imposée par une puissante minorité de grands groupes agroalimentaires [Nestlé, Danone, Wal-Mart sont nommément cités, NDLR] peut s’avérer catastrophique, peut-on ainsi lire dans le document d’Oxfam. Les mesures mises en avant au niveau international sont de l’ordre des déclarations d’intérêts absolument pas contraignantes", regrette Jean-Cyril Dagorn.

"C’est vrai que, par le passé, nous avons réduit notre soutien à l’agriculture", reconnaît Will Martin, responsable des recherches sur l’agriculture et le monde rural à la Banque mondiale, contacté par FRANCE 24. Mais cette politique aurait changé depuis quelques années. "Nous pensons qu’en augmentant la productivité de l’agriculture dans les pays en voie de développement de 1% par an, cela permettra de largement réduire l’augmentation des prix, même en prenant en compte l’impact du changement climatique", juge ainsi Will Martin.

Innovations technologiques

Pour remplir cet objectif, la Banque mondiale compte beaucoup sur la recherche de cultures plus résistantes aux conditions climatiques. Une approche qu’Oxfam ne partage pas : "Il faut d’abord donner les moyens aux paysans de développer des exploitations familiales, car c’est là que se trouve le principal potentiel de croissance de la production", estime Jean-Cyril Dagorn. "Les deux approches peuvent très bien coexister", répond Will Martin.

Pour d'autres en revanche, les conclusions du rapport d’Oxfam sont parfois simplistes. "Si le réchauffement climatique a un impact négatif sur les pays subsahariens, en contrepartie, il peut être bénéfique pour l’agriculture dans l’hémisphère nord et permettre de nouvelles cultures dans ces pays", souligne ainsi Concepcion Calpe, économiste spécialisée dans les denrées alimentaires à l'Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), jointe par FRANCE 24.

Les prédictions alarmistes d’Oxfam sur l’envolée des prix seraient également à prendre avec des pincettes. "Il n’y a pas de consensus sur la vitesse à laquelle les prix vont augmenter", nuance Will Martin, qui reconnaît cependant que les prix des denrées alimentaires devraient continuer à grimper. "Sur le long terme, il est impossible de prévoir quel impact vont avoir les innovations technologiques sur l’agriculture. Il faut donc être très prudent", précise pour sa part Concepcion Calpe.

Mais tous sont d’accord pour dire qu’il est temps d’agir davantage. Reste à savoir si des mesures concrètes sortiront du prochain G20 agricole qui se déroulera les 22 et 23 juin à Paris...