Déjà visée hier matin par des frappes aériennes de l'Otan, la capitale libyenne, Tripoli, a été de nouveau secouée par les raids intensifs des avions de la coalition dans le secteur de la résidence du colonel Kadhafi.
AFP - Huit puissantes explosions ont secoué mardi soir le secteur de Bab Al-Aziziya, résidence du colonel Mouammar Kadhafi, déjà visé à l'aube par des raids intensifs de l'Otan.
Le vrombissement des avions de chasse a été entendu, avant que trois explosions assourdissantes ne secouent le secteur, vers 23H00 locales (21H00 GMT), suivies de trois explosions puis de deux autres quelques minutes plus tard.
L'Otan avait déversé mardi à l'aube un déluge de feu sur Tripoli, faisant trois morts et des dizaines de blessés, selon le régime.
Les raids, qui ont commencé vers 01H00 (23H00 GMT lundi), ont duré plus d'une demi-heure et ont été particulièrement violents, selon un journaliste de l'AFP.
Boules rouges éclairant le ciel, sifflements de bombes, vrombissement des avions de chasse volant à basse altitude, puis deux à trois explosions assourdissantes. La même succession s'est répétée à cinq ou six reprises durant l'attaque d'une trentaine de minutes.
A l'hôtel Rixos hébergeant les correspondants de la presse internationale, construit en grande partie en bois, les explosions ont fait trembler tout le bâtiment.
"Selon les informations dont nous disposons, il y a trois morts et 150 blessés", a déclaré le porte-parole du gouvernement libyen, Moussa Ibrahim.
Il a ajouté que l'Otan avait mené son attaque contre une caserne de la garde populaire, des unités de volontaires qui épaulent l'armée, pas loin de la résidence de Mouammar Kadhafi. L'Otan a affirmé de son côté avoir frappé un entrepôt de véhicules militaires.
Vers 15H30 locales (13H30 GMT), trois nouvelles explosions ont été entendues à Tajoura, banlieue est de la capitale, selon des habitants. Des colonnes de fumée et de poussière se sont élevées au-dessus du secteur visé, mais ces témoins n'étaient pas en mesure de préciser la nature de la cible.
Avec ces bombardements intensifs, l'Otan, aux commandes depuis le 31 mars de l'intervention internationale, espère précipiter la chute du régime libyen.
"On se dit qu'il faut (...) augmenter le rythme de nos opérations pour que le fruit tombe tout seul", a indiqué un haut responsable militaire de l'Otan ajoutant que l'objectif est que "fin juin, début juillet Kadhafi soit tombé".
Selon le régime, la majorité des victimes des raids de la nuit sont des civils habitant à proximité. Dans la morgue de l'hôpital, un journaliste de l'AFP a vu trois corps gisant sur des brancards.
Selon des témoins à l'hôpital, il s'agit de deux frères et d'un cousin. "Ils étaient sortis après les premiers raids pour voir ce qui se passait", a indiqué à l'AFP un témoin affirmant être leur voisin.
"A Tripoli, nos maisons sont à proximité des casernes. Vous pouvez imaginer notre terreur et celle de nos familles à chaque fois qu'il y a des bombardements", a lancé Fathallah Salem, un habitant de l'avenue Essoug.
Mi-février : Des manifestations contre le pouvoir de Kadhafi sont violemment réprimées à Benghazi. L’ONU évoque un millier de morts.
5 mars : Les insurgés créent le Conseil national de transition (CNT).
17 mars : Le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 1973 qui autorise les États à prendre "toutes les mesures nécessaires" pour protéger les civils de la répression des forces du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.
19 mars : La France et le Royaume-Uni bombardent la Libye avec l’aide d'une coalition de 10 pays.
27 mars : Le commandement des opérations est transféré à l’Otan.
1er juin : L'Otan prolonge sa mission jusqu'à fin septembre.
27 juin : La Cour pénale internationale (CPI) lance un mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité contre Kadhafi, son fils Seïf al-Islam et le chef des renseignements Abdallah Al-Senoussi.
15 juillet : Le groupe de contact, qui rassemble les pays de l'Otan et des puissances arabes, reconnaît désormais le CNT comme interlocuteur légitime.
28 juillet : Assassinat du général Younès, ancien kadhafiste devenu chef d'État-major de la rébellion.
11 août : L'Otan affirme que les pro-Kadhafi n'ont plus les moyens de "mener une offensive crédible".
14-15 août : Les rebelles prennent le contrôle de Zaouïah, Gariane et Sorman, trois villes clés de l'ouest du pays.
Les raids sont intervenus quelques heures après l'annonce de Paris de l'envoi d'hélicoptères pour des frappes au sol "plus précises".
Londres n'a pas encore décidé s'il allait ou non déployer des hélicoptères, a assuré de son côté le secrétaire d'Etat aux forces armées, Nick Harvey, contredisant des informations venues de France la veille.
"Je le redis pour lever toute ambiguïté: aucune décision de ce type n'a été prise par le Royaume-Uni", a-t-il affirmé, évoquant simplement "une option que nous sommes en train d'étudier".
La ministre danoise des Affaires étrangères, Lene Espersen, a salué la décision de Paris d'envoyer des hélicoptères de combat en Libye.
Le Danemark participe avec six avions F-16 aux frappes aériennes de la coalition internationale.
Jusqu'à présent, seuls des avions -avec ou sans pilotes- ont mené les attaques de la coalition, mais ils ne parviennent plus à viser de nombreux chars ou troupes, car trop proches des populations.
Paris avait déjà dépêché la semaine dernière un navire de guerre de type Mistral combinant notamment les fonctions de porte-hélicoptères, de transport de troupes et de mise en oeuvre de moyens d’assaut amphibie et de commandement.
La France veut accentuer la pression militaire et accélérer la recherche d'une solution politique, pour limiter au plus à "quelques mois" la durée de l'intervention, a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé.
Côté diplomatique, les Etats-Unis ont profité de la venue surprise, lundi, dans la "capitale" de la rébellion Benghazi, du sous-secrétaire d'Etat chargé des affaires du Proche-Orient, Jeffrey Feltman, pour exhorter Mouammar Kadhafi à quitter son pays.
M. Feltman a remis mardi à la rébellion une "invitation" officielle à ouvrir une représentation à Washington. Interrogé sur une reconnaissance officielle par les Etats-Unis de la rébellion, il a éludé la question mais souligné que les rebelles étaient de facto les seuls interlocuteurs de Washington en Libye.
La France a annoncé pour sa part que le CNT "devrait prochainement nommer un représentant à Paris".
Elle avait été le premier pays à reconnaître le CNT comme l'interlocuteur légitime en Libye, suivie par l'Italie, le Qatar, la Gambie, la Grande-Bretagne et depuis mardi la Jordanie.
La Russie a indiqué qu'elle considérait le CNT comme un "partenaire légitime" de négociation sur l'avenir de ce pays.
L'Union européenne a élevé de son côté le CNT au rang d'"interlocuteur politique clé représentant les aspirations du peuple libyen", ce qui rapproche Bruxelles d'une reconnaissance en bonne et due forme.
L'UE a par ailleurs annoncé mardi le gel des actifs de la compagnie aérienne libyenne Afriqiyah, dans le cadre de l'extension de ses sanctions contre le régime libyen.