Les frappes aériennes de l'Otan n'ont pas cessé depuis le 17 mars mais le colonel Kadhafi est toujours au pouvoir. La stratégie de l'Otan visant à intensifier la pression sur le régime libyen semble jouer la carte de l'épuisement.
Après deux mois de conflit et 3 025 missions de bombardement effectuées par l’Alliance, Mouammar Kadhafi tient bon. La crainte de l’enlisement des forces de l'Otan est dans tous les esprits : le Guide libyen est toujours au pouvoir, les morts civils et militaires se multiplient, la situation humanitaire des centaines de milliers de déplacés et réfugiés se détériore et, sur le terrain, la situation semble gelée.
A l’est du pays, la situation militaire est dans l’impasse : la ligne de front ne bouge pas. Les villes de Syrte, Ras Lanouf, et Brega sont toujours sous le contrôle de l’armée loyale à Kadhafi. Ajdabiya, Benghazi, al-Bayda et Tobrouk restent, elles, aux mains des insurgés, empêchant toute offensive des forces de Kadhafi sur Benghazi, bastion des insurgés depuis le début du conflit.
A l’ouest en revanche, les rebelles ont repoussé les forces loyales à Kadhafi en dehors de
Misrata, assiégée pendant deux mois, et repris le contrôle de l’aéroport. Ils ont également
le contrôle de Zintan, à 150 km environ au sud-ouest de Tripoli, près de la frontière tunisienne.
L’insurrection garde cependant rageusement le contrôle de la route des montagnes de Zintan à Dehiba qui leur permet de ravitailler les villes libres de la région.
La coalition intensifie son engagement
Du côté des forces de la coalition, tous les moyens sont engagés pour accélérer la chute du colonel Kadhafi. Le temps est compté : la France voit en effet poindre à grands pas la date butoir du 17 juillet où le gouvernement doit demander au Parlement l’autorisation de poursuivre son opération en Libye.
Chronologie du conflit
Mi-février : Des manifestations contre le pouvoir de Kadhafi sont violemment réprimées à Benghazi. L’ONU évoque un millier de morts.
5 mars : Les insurgés créent le Conseil national de transition (CNT).
17 mars : Le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 1973 qui autorise les États à prendre "toutes les mesures nécessaires" pour protéger les civils de la répression des forces du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.
19 mars : La France et le Royaume-Uni bombardent la Libye avec l’aide d'une coalition de 10 pays.
27 mars : Le commandement des opérations est transféré à l’Otan.
1er juin : L'Otan prolonge sa mission jusqu'à fin septembre.
27 juin : La Cour pénale internationale (CPI) lance un mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité contre Kadhafi, son fils Seïf al-Islam et le chef des renseignements Abdallah Al-Senoussi.
15 juillet : Le groupe de contact, qui rassemble les pays de l'Otan et des puissances arabes, reconnaît désormais le CNT comme interlocuteur légitime.
28 juillet : Assassinat du général Younès, ancien kadhafiste devenu chef d'État-major de la rébellion.
11 août : L'Otan affirme que les pro-Kadhafi n'ont plus les moyens de "mener une offensive crédible".
14-15 août : Les rebelles prennent le contrôle de Zaouïah, Gariane et Sorman, trois villes clés de l'ouest du pays.
Des porte-hélicoptères français et britannique, le Tonnerre et le HMS Ocean, ont donc été dépêchés au large des côtes libyennes, a déclaré lundi le ministre français de la Défense Gérard Longuet, en marge d'une réunion avec ses homologues européens à Bruxelles. À bord du bâtiment français qui a appareillé discrètement de Toulon le 17 mai, une douzaine d’hélicoptères de combat qui doivent permettre de procéder à des frappes au sol plus précises.
Barack Obama et le Premier ministre Britannique David Cameron ont également promis de maintenir la pression sur le Guide libyen tant qu’il ne respecterait pas les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU.
Adoptée le 17 mars 2011, la résolution 1973 du Conseil de sécurité appelle à un cessez-le-feu immédiat, à un arrêt des attaques contre les civils, au respect des droits de l’homme et à la prise en compte des aspirations des Libyens.
Dans une tribune commune publiée ce mardi dans
les colonnes du Times, les deux dirigeants britannique et américain assurent qu'ils ne resteront pas sans rien faire alors que les aspirations des manifestants sont "réprimés par une pluie de bombes, de balles et de tirs de mortiers."
Une victoire par "épuisement" ?
D’après les chiffres de l’Alliance atlantique – qui ne comptabilise les actions que depuis le 31 mars - la coalition a effectué plus de 7870 sorties en 60 jours d’opérations.
Plus de 80% de l’aviation libyenne a été anéantie et l’armée de terre aurait subi de lourdes pertes, a déclaré Gérard Longuet lors de son audition à huis clos, le 11 mai dernier, par la Commission de la Défense et des Affaires étrangères du Sénat.
Mercredi dernier, les forces de l’Otan ont touché le complexe de Kadhafi à Tripoli, une agence de renseignement militaire et le siège de la télévision, ainsi qu’un obusier et un dépôt de munition.
Si Kadhafi est toujours là, les frappes militaires et navales de l’Otan sont destinées à provoquer l’attrition des forces du Guide libyen qui, au passage, serait poussé au départ. L'Otan a donc adopté une stratégie d'"épuisement", et non d'"anéantissement", comme l’écrit dans une tribune
Jean-Dominique Merchet, spécialiste des questions de défense pour l’hebdomadaire Marianne. "Beaucoup évoquent un enlisement. Ils oublient un peu vite que Clausewitz [théoricien de la guerre, ndlr] affirmait qu’il y avait deux types de victoires possibles : par anéantissement et par épuisement. Notre époque médiatique est impatiente et ne conçoit plus la victoire militaire que quasi-instantanée."