
"Parti de la liberté et de la justice" : tel est le nom de la nouvelle entité créée par le mouvement d'opposition majoritaire des Frères musulmans. Lesquels visent désormais la moitié des sièges aux législatives de septembre.
AFP - Les Frères musulmans en Egypte, le plus influent mouvement d'oppositon, ont créé samedi leur propre parti, avec l'ambition de briguer la moitié des sièges aux élections législatives prévues en septembre, les premières depuis la chute du régime de Hosni Moubarak.
Créée en 1928 par Hassan al-Banna (1906-1949), grand-père maternel du théologien controversé Tariq Ramadan, la confrérie des Frères musulmans naît au crépuscule de la colonisation britannique en Égypte, afin de lutter contre "l’emprise laïque occidentale et l’imitation aveugle du modèle européen".
Aux aspirations nationalistes de ceux qui réclament le départ des Européens, les Frères opposent un slogan toujours en vigueur : "Le Coran est notre Constitution." Leur objectif est, à ce jour, inchangé : instaurer un État islamique fondé sur l’application de la charia.
Sous Hosni Moubarak, les Frères musulmans étaient officiellement interdits dans le pays, mais tolérés dans les faits.
Le nouveau parti, baptisé le "Parti de la liberté et de la justice", s'est défendu d'avoir une orientation "théocratique" et a assuré qu'il serait "indépendant" de la confrérie, dont les prises de position ont souvent suscité la méfiance de la population.
Le Conseil consultatif du mouvement a décidé de lancer ce parti et a adopté en même temps son programme politique, a expliqué lors d'une conférence de presse Mohammed Hussein, le secrétaire général de la confrérie née il y a plus de 80 ans.
Le parti, dirigé par un membre du bureau politique des Frères musulmans, Mohammed al-Moursi, coordonnera ses positions avec la confrérie tout en restant un organe indépendant.
"Ce sera un parti civil et non théocratique", a répété M. Moursi. La Constitution égyptienne interdit les partis fondés sur la religion.
Selon M. Moursi, le Parti de la liberté et de la justice briguera entre 45 et 50% des sièges lors des législatives de septembre, le premier scrutin depuis que M. Moubarak a quitté le pouvoir sous la pression de la rue le 11 février.
L'armée, à laquelle M. Moubarak a remis les rênes du pays à son départ, a annoncé fin mars qu'elle remettrait le pouvoir législatif au futur Parlement élu en septembre, puis le pouvoir exécutif au chef de l'Etat choisi par les urnes à la fin de l'année.
Les ambitions affichées du nouveau parti devraient susciter le désarroi des autres formations politiques qui se sont engagées dans la révolte contre l'ancien régime et qui pourraient craindre de se voir marginalisés si elles ne présentent pas un front uni.
"Cette annonce est déprimante pour les forces politiques dans le pays", a déclaré à l'AFP Dia Rashawan, expert des mouvements islamistes au centre d'Al Ahram pour les études politiques et stratégiques.
"La révolution n'était pas islamiste. Nous devons à présent revoir l'idée que les Frères musulmans sont la plus importante force du pays", a-t-il expliqué.
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Les Frères musulmans, bête noire du régime Moubarak, étaient officiellement bannis de la sphère politique égyptienne, mais restaient tolérés dans les faits. S'appuyant sur d'influents réseaux d'aide sociale, il présentaient leurs candidats comme "indépendants".
Après une percée aux législatives de 2005, qui les avait vus remporter près de 20% des sièges, les Frères musulmans étaient sortis bredouilles du premier tour des législatives fin 2010, et avaient décidé de boycotter le second tour, dénonçant des fraudes massives et violentes.
La confrérie est particulièrement active dans les mosquées, où elle mène des actions d'aide aux défavorisés, dans les universités et au sein des syndicats.
Fondée en Egypte en 1928 par Hassan al-Banna, elle constitue le plus ancien mouvement de l'islamisme sunnite. Sa doctrine s'organise autour du dogme du "tawhid" (unicité de Dieu), la fusion du religieux et du politique.
Au cours de son histoire, elle a oscillé entre l'opposition violente au pouvoir et la collaboration, entre plaidoyers pour un Etat islamique et assurances de respecter le jeu démocratique. Elle reste donc une énigme et suscite la crainte des Occidentaux, qui redoutent l'instauration d'un régime islamique en Egypte.