, envoyée spéciale à Londres – Installés depuis des années juste en face l'abbaye de Westminster, où Kate et William célèbre leur union ce vendredi, les militants pacifistes de Parliament Square n'ont pu être délogés malgré les tentatives des autorités. Ils se joignent à la fête.
Ils sont indélogeables. Les militants pacifistes sont installés depuis des années devant Parliament Square à Londres, juste en face de l’abbaye de Westminster où le Prince William et Kate Middleton célèbre leur mariage ce vendredi.
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé de les en déloger. Plusieurs hommes politiques, dont le Premier ministre David Cameron ou le maire de Londres, Boris Johnson, ont tenté de faire place libre pour le grand jour. Mais les activistes sont toujours là. Et ils entendent bien faire partie de la fête.
Artiste de rue, Farid, « sans nationalité parce qu’homme libre », a fait siennes toutes les causes. Il milite pêle-mêle contre le pouvoir, la maltraitance des femmes, la pauvreté, la guerre en Afghanistan, pour la liberté de créer ou la sauvegarde de l’environnement.
Mais en cette journée de noces royales, il se bat tout simplement pour…l’amour. La veille au soir, il a peint en urgence deux tableaux pour les jeunes mariés, qu’il a accrochés sur son mur entre une pancarte pour la libération des prisonniers politiques dans le monde et une autre sur la lutte des femmes en Iran.
« Les gens veulent de la couleur. Alors je mets des couleurs chaudes, c’est pour l’amour ! », racontait-t-il hilare jeudi en étalant des couches de peintures jaunes et oranges à main nues sur une toile récupérée au fin fond d’une poubelle.
Les paillettes au mépris de la guerre
Drappée dans une jupe orange, de la couleur de l’uniforme des prisonniers de Guantanamo, Julie, quant à elle, rappelle à qui veut bien l’entendre l’existence de Shaker Aamer, dernier Britannique à être détenu dans les geôles de la célèbre prison américaine à Cuba.
Elle ne manque pas non plus de faire mention de Bradley Manning, incarcéré depuis juillet 2010 dans un centre de détention militaire aux Etats-Unis. Ce soldat de 23 ans, qui a passé une partie de son adolescence en Angleterre, est soupçonné d'avoir transmis des milliers de câbles diplomatiques américains au site WikiLeaks.
« Cela fait trente ans que je manifeste pour la liberté. Et je continuerai tant que les prisonniers politiques de Guantanamo ou d’ailleurs ne seront pas libérés », explique cette femme d’une quarantaine d’année, burinée par la vie et marquée par le tabac.
Le mariage royal est selon elle une bonne occasion de faire parler d’eux. Mais elle n’est dupe : elle sait que les histoires d’amour, de paillettes ou de célébrités sont plus au goût du jour que la torture, la guerre ou les abus de pouvoir.
« Il y a des milliers et des milliers de personnes qui viennent assister au mariage devant l’abbaye de Westminster. Et c’est très bien. Je ne suis pas contre les fêtes. Les mariés sont mignons. Mais j’aimerais juste qu’il y ait autant de gens mobilisés contre la guerre en Afghanistan», renchérit-t-elle, en baissant les épaules.
Une trêve pour le mariage
Maria Gallastegui a planté sa tente devant le square en 2006. Depuis, elle manifeste pour la paix 24 heures sur 24. Forte en gueule, elle a le verbe affûté et n’hésite pas à faire valoir ses droits devant la justice. « Nous avons subi de nombreuses pressions pour partir. Mais nous sommes des manifestants pacifistes et nous occupons légalement l’espace public », explique-t-elle.
Après avoir reçu une interdiction d’accéder à son petit bout de trottoir de Parliament Square, Maria a tenté de faire casser l’injonction par la Haute Cour de justice. Elle n’a pas hésité non plus à écrire au Prince Charles. Une audace qui a payé, lui valant une réponse du futur monarque. Par respect, elle a donc décidé d’un « cessez-le-feu » en l’honneur de la noce.
« Je ne voulais pas me battre contre eux car je ne voulais pas perdre le soutien des membres de la famille royale. Il faut savoir choisir ses batailles, et savoir se retirer quand cela est necessaire », se justifie-t-elle.
Maria a donc passé la nuit de jeudi à vendredi à décrocher les sculptures d’enfants soldats ensanglantés, casques sur la tête et grenades à la main qui étaient suspendues sur sa petite cabane de bois. A la place des tâches de sang, elle a peint deux grands cœurs rouges sur une toile blanche.
Le geste semble tout autant symbolique que provisoire. Le sourire en coin, elle raconte qu’un soir de Noël pendant la Première guerre mondiale, les soldats ont arrêté de se battre pour aller faire une partie de football. Dès le lendemain, ils étaient de retour dans les tranchées…