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L’otage italien retrouvé mort vendredi semble avoir fait les frais de la rivalité croissante entre le Hamas et de nouveaux groupes radicaux. Leurs militants, salafistes et djihadistes, rêvent d'instaurer un émirat islamique dans la bande de Gaza.

Ils se sont baptisés "Les Compagnons du Prophète" (sahabi) et viennent de commettre leur premier "fait d’armes" : l’assassinat d’un activiste italien de l’organisation pacifiste et pro-palestinienne International Solidarity Movement (ISM)

Ces nouveaux militants radicaux rejoignent une nébuleuse salafiste qui s’affirme, depuis quelques années, dans la bande de Gaza. Ils réclament une stricte application de la loi islamique (charia), vouent une haine tenace au Hamas et à son leader dans la bande de Gaza, Ismaïl Haniyeh, et reçoivent probablement une aide financière et logistique d’Al-Qaïda. 

"Ces salafistes-djihadistes (…) ne se considèrent pas comme des libérateurs de la Palestine, mais comme les membres d’un mouvement mondial de combattants armés, défendant l’islam contre ses ennemis", indique un rapport publié le 29 mars dernier par le groupe d’analyse International Crisis Group . Une véritable épine dans le pied du Hamas, aux affaires à Gaza depuis le coup de force de juin 2007. 

La plupart des militants salafistes sont des anciens du Hamas 

Toujours selon l’enquête de l’ICS, "entre le Hamas et les groupes salafistes, la relation est passée de la coopération à l’antagonisme" depuis 2005. Les deux mouvements ont un temps été compagnons de route, lors de la capture, par exemple, du soldat israélien Gilad Shalit en juin 2006 : des éléments du Hamas s’étaient alors alliés à des militants du Jaïch al-Islam (Armée de l’islam), l’un des plus anciens groupes salafistes de la bande de Gaza. 

Mais la relation s’est fissurée à partir des élections législatives de 2006 - que le Hamas a remportées. Alors que le mouvement islamiste affronte le Fatah (parti dirigeant de l’autorité palestinienne et du président Abbas) dans une guerre fratricide, on voit émerger cinq organisations djihadistes (Jaïch al-Islam, Jound Ansar Allah, Tawhid wa Jihad, Jaïch al-Oumma et Ansar al-Sunna) qui rassemblent quelques centaines de membres, selon leurs dirigeants. Les groupuscules salafistes profitent du chaos ambiant pour s’armer et recruter des militants. 

"La plupart (…) sont jeunes, issus de la base d’organisations militaires palestiniennes, en particulier le Hamas et le Djihad islamique", selon l’International Crisis Group. Et ils ont une dent contre le Hamas, lui reprochant sa participation aux législatives de 2006, la conclusion d’accords de cessez-le-feu avec Israël et le manque de zèle à faire appliquer la loi islamique à Gaza. 

Entre ces salafistes idéologiquement proches d’Al-Qaïda et un Hamas issu de la mouvance des Frères musulmans égyptiens, la tension est allée croissant. Elle éclate en août 2009, lorsque des militants du Jound Ansar Allah se retranchent avec des armes dans une mosquée de Rafah et y proclament un "émirat" islamique sous l’autorité de leur chef, Abdelatif Moussa. L’assaut du Hamas sur la mosquée fait 28 morts et des centaines de blessés. La guerre entre le mouvement islamiste et les salafistes est déclarée. 

L’isolement de Gaza exacerbe le problème 

Après l’épisode sanglant de la mosquée de Rafah, le Hamas change son fusil d’épaule et décide "non pas de briser les jambes des salafistes-djihadistes, mais de les ramener dans le rang", indique le rapport de l’ICG. Mais les jeunes militants radicaux ne semblent pas pressés d'y rentrer. Ils poursuivent leurs campagnes de dénonciation des cyber-cafés et des cinémas de Gaza (certains sont visés par des attentats), critiquent les mœurs dissolues des dirigeants du Hamas, lancent des roquettes en territoire israélien et réclament la libération de leurs camarades. 

Dans une vidéo postée jeudi sur Youtube, le nouveau groupe des "Compagnons du prophète" déclare ainsi : "Nous avons enlevé l'Italien Vittorio et nous demandons au gouvernement Haniyeh de relâcher tous nos prisonniers, à commencer par cheikh Hicham al-Soueïdani", un leader salafiste arrêté en mars par des forces de sécurité du Hamas. 

Avec l’assassinat de l’otage italien, la capacité de nuisance des militants salafistes n’en est que plus importante. Selon l’International Crisis Group, "leur force repose sur les pressions qu’ils exercent sur la politique du Hamas : ils représentent (pour lui) un challenge idéologique, recrutent ses militants, menacent sa sécurité (…), poussent à l’action armée et à l’islamisation. La politique de blocus de Gaza et de rejet du Hamas ne fait qu’exacerber le problème". 

Un problème auquel le Hamas croit avoir trouvé une solution simple et radicale, alors que deux membres du groupe des Sahabi ont été arrêtés vendredi soir : "Le gouvernement (…) va traquer le reste des membres du groupe et appliquera la loi." Une manière à peine voilée de dire que la répression des militants salafistes va s’intensifier dans la bande de Gaza.