A l’appel de différents collectifs de soutien aux Algériens, des centaines de manifestants ont répondu présents à Paris. "A bas la dictature" ou encore "Dégage Bouteflika" : malgré la pluie, ce fut un déluge de slogans anti-Bouteflika.
Le temps ne les aura pas découragés. Malgré la pluie et le froid, la population algérienne vivant en région parisienne était au rendez-vous, place de la République, ce samedi après-midi. Pancartes à la main, tous avaient le même mot d’ordre : "Bouteflika dégage !".
Ils étaient environ 800 manifestants selon les forces de police, "beaucoup plus" ont estimé les différents collectifs, sans pouvoir avancer de chiffres précis. Autour des éternels stands de merguez, les manifestants se bousculaient presque pour parler aux journalistes présents pour couvrir ce rassemblement : "Pardonnez notre désordre et le mélange de nos revendications, mais nous nous sommes tus si longtemps, tout le monde a envie de parler maintenant", s’excuse presque Fatima Yous, la présidente du collectif des familles disparues en Algérie. "Nous sommes là pour la jeunesse, la misère, le chômage, la corruption, le statut des femmes et la liberté", énumère-t-elle, essoufflée, "nous sommes enfin là pour revendiquer tout ça".
Alors qu’à Alger, la manifestation organisée par le CNDC, le parti d’opposition, a été interdite, à Paris, les langues se sont déliées. Pour la plupart de ces protestataires, la chute de Zine El-Abidine Ben Ali en Tunisie et d'Hosni Moubarak en Égypte, a apporté un souffle d’espoir inédit et inespéré. "C’est une grippe qui se propage en ce moment, une contamination de la liberté", a confié Dalila Bachiri, pharmacienne, qui a quitté l'Algérie en 1978. "Il faut maintenant que toute la clique de Bouteflika et des militaires laissent la place à une démocratie", a-t-elle hurlé au milieu de la cacophonie ambiante, "j’ai bon espoir, il partira, c’est un véritable printemps arabe qui se met en place aujourd’hui".
Un rassemblement festif et animé
D’autres, plus sceptiques, n’ont pas voulu crier victoire trop vite. "Ce ne sera pas facile de faire la même révolution que les Égyptiens", a déclaré Kahina, une étudiante très investie dans le collectif de soutien à l’Algérie, "il y a beaucoup d’argent et de richesse là-bas, Bouteflika endort le peuple en promettant primes et allocations".
De l’autre côté de la place parisienne, l’ambiance était plus festive. Les chants ont remplacé les discours et les danses, les rassemblements. Des jeunes Égyptiens se sont mêlés à la foule et pour la plupart d’entre eux, l’heure était encore à la célébration du départ du président Moubarak, qui a démissionné la veille.
Installées sur les trottoirs, les enceintes crachaient leur musique et quelques tee-shirts sont tombés au milieu d’une foule chantant en cœur, le poing levé. L’ambiance, bon enfant, n’a pas inquiété pas les forces de l’ordre qui se tenaient à l’écart, jugeant la situation "sous contrôle".
Politique et festivités semblaient faire bon ménage. Interrogés, la plupart de ces jeunes manifestants, brandissant des drapeaux tunisiens, égyptiens et algériens, ont déclaré marcher "main dans la main, dans le même sens et dans un même but : faire tomber tous les dictateurs en Afrique". Un jeune Égyptien n’a émis, à ce propos, aucun doute quant à l’avenir du pays de Bouteflika. "Il n’y a pas mieux que le peuple pour faire tomber un gouvernement. Nos frères sont dans la rue, ils nous ont soutenus, nous les soutiendrons à notre tour, jusqu’au bout ", a-t-il hurlé dans un micro, la voix cassée mais désormais "libérée".