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La mission de l'ONU quitte officiellement le pays sur un bilan mitigé

La Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad (Minurcat) quitte officiellement le Tchad ce 31 décembre. Les critiques lui reprochent notamment des difficultés pour déployer ses hommes sur le terrain.

AFP - La Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad (Minurcat) quitte officiellement le 31 décembre le Tchad sur un bilan mitigé dans une zone en pleine mutation alors que la capacité des forces tchadiennes à assurer la sécurité inquiète.

"Cher et pas très utile", affirme sous couvert de l'anonymat un membre de la communauté humanitaire au Tchad à propos de la Minurcat.

Le personnel humanitaire installé au Tchad a souvent reproché le manque de présence sur le terrain de la Mission qui n'a jamais réussi à déployer entièrement les 5.200 soldats prévus et qui, selon de nombreux témoins, patrouillaient beaucoup moins que l'Eufor, la force européenne à qui elle avait succédé en mars 2009.

Le président Idriss Deby Itno, qui a demandé le départ de la Minurcat en février 2010, a qualifié la mission "d'échec".

Mais pour Sylvianne Nguetora, du service de communication de la Mission, "même si certaines personnes pensent que la Minurcat n'a pas pu faire grand-chose, elle a assuré d’une manière ou d'une autre la sécurité à l’Est du Tchad".

Stefano Severe, le représentant du Haut Commissariat aux Réfugiés au Tchad (HCR) souligne quant à lui "tout le travail accompli par la partie civile de la mission" ainsi que "la formation des DIS" (Détachement intégré de sécurité), une force spéciale tchadienne, formée par l'Eufor puis la Minurcat et qui dispose d'une dotation spéciale.

Paradoxalement, la communauté humanitaire, critique envers la Minurcat, appréhende son départ. Amnesty International estimait en mai que le départ était "prématuré" et "augmentera l'insécurité dans la zone et minera les tentatives d'assistance et de secours".

Fin octobre, Daouad Abderassoul, leader des réfugiés soudanais du camp de Djabal, à Goz Beida dans l'est du pays, se montrait inquiet: "Nous avons commencé à oublier nos souffrances avec à nos côtés les forces de la Minurcat, mais si ceux-ci doivent partir, on se demande bien quel sera notre sort".

Les populations locales ainsi que les quelques 450.000 réfugiés et déplacés mais aussi les humanitaires sont une proie facile pour les braqueurs, bandits, et autre coupeurs de route alors que certains prévoient que le départ et le démantèlement des groupes rebelles des deux côté de la frontière va jeter dans la région bon nombre d'hommes armés et désoeuvrés.

"La Minurcat n'a jamais assuré la sécurité de la population", affirme de son côté le général Oki Dagache, représentant spécial du président tchadien auprès de la force internationale. Les autorités tchadiennes promettent qu'elles sont en mesure d'assurer la sécurité, notamment grâce aux DIS.

Un diplomate occidental en poste à N'Djamena estime que "même si tout n'est pas parfait la situation sécuritaire et bien meilleure: avant il y avait les Janjawids (brigands à cheval) qui traversaient la frontière, la présence de MJE (rebelles soudanais, Mouvement pour la justice et l'égalité, JEM)" ainsi que les incursions de rebelles tchadiens.

"Le départ de la Minurcat intervient en même temps que le réchauffement des relations entre le Tchad et le Soudan. Il y a désormais une force mixte qui contrôle la frontière", précise ce diplomate.

"L'argent du pétrole et le rapprochement avec le Soudan ont changé la situation. L'armée tchadienne est bien mieux équipée aujourd'hui", ajoute-t-il. "Il reste toutefois à espérer que les DIS mieux équipés que la gendarmerie ou l'armée ne suscitent pas trop de jalousies et ne soient pas progressivement privés de leurs moyens".

Autre interrogation: alors que le budget de la Minurcat était de 670 millions de dollars, le budget prévisionnel de 20 millions d'USD de soutien aux DIS et aux civils remplaçant la Minurcat n'est toujours pas bouclé.