Les Ahmadis se disent musulmans mais ils croient en un nouveau messie venu sur Terre après le prophète Mahomet. Une "hérésie" en terre d'islam qui leur coûte cher. Le 28 mai, à Lahore, dans l'est du Pakistan, près d'une centaine d’entre eux ont payé de leur vie leur différence. Notre envoyé spécial au Pakistan, Cédric Molle-Laurençon, est allé à leur rencontre.
Ils sont près de quatre millions au Pakistan, mais c’est comme s’ils n’existaient pas. Ils prient dans des mosquées et les prêches de leurs imams s’appuient sur le Coran, mais la République islamique leur interdit de se proclamer musulmans. On les appelle les Ahmadis, ils croient en l’existence d’un messie né au XIXème siècle et portent une vision pacifiste de l’Islam. Installés depuis longtemps au Pakistan, ils ont vécu dans l’ombre, presque dans le secret, jusqu’au sanglant 28 mai 2010.
Ce jour-là, un commando islamiste pénètre dans la plus grande mosquée Ahmadie de Lahore, dans l’est du pays. A l’heure de la grande prière, les combattants vont semer la mort sans aucune intervention policière : près de 100 fidèles sont tués, plusieurs centaines d’autres blessés. La société pakistanaise découvre alors l’existence de cette communauté religieuse doublement persécutée, par des groupes religieux extrémistes qui ont juré de les exterminer, mais aussi par l’État pakistanais qui les envoie régulièrement en prison en vertu de lois anti-blasphème totalement discriminatoires.
Alors pour échapper à l’oppression, les Ahmadis ont établi un sanctuaire : Chenab Nagar, une petite ville située dans l’est du Pakistan. C’est là que viennent se réfugier les membres de la communauté victimes de persécution ; c’est aussi le seul endroit où les Ahmadis peuvent prier quasi-librement. Mais même dans ce bastion Ahmadi, la menace est bien réelle : à Chenab Nagar une seule mosquée est autorisée à lancer l’appel à la prière, et elle appartient au groupe extrémiste qui prône l’extermination des Ahmadis… sous la passivité bienveillante de l’État.
Au bord de la route qui mène à Chenab Nagar, des dizaines de personnes s’arrêtent chaque jour pour prier dans le cimetière de la ville. Depuis quarante ans, tous les martyrs de la communauté Ahmadie sont enterrés ici : la République islamique du Pakistan leur interdit de reposer dans les cimetières musulmans. Pour les Ahmadis, la persécution se poursuit même après la mort.