logo

7-Octobre, deux ans après : la communauté juive de France en cinq questions
Démographie, immigration vers Israël, progression de l'antisémitisme... France 24 dresse le portrait robot de la communauté juive à travers des chiffres et des tendances marquantes, deux ans après les attaques terroristes du 7-Octobre.
Un rassemblement de solidarité avec Israël après les attaques terroristes du Hamas, à la Grande synagogue de Paris, le 10 octobre 2023. © Thomas Samson, AFP
  • Combien de juifs en France ?

La France abrite la plus grande communauté juive au monde en dehors des États-Unis. Cependant, comme la loi interdit de compiler des données sur l'appartenance religieuse ou ethnique lors des recensements, il est impossible de fournir un chiffre précis. Selon les estimations les plus communément admises, le nombre de juifs en France est d'environ 500 000 personnes, soit 1 % de la population.

Sans chiffres officiels, il faut s'en remettre à des études sociologiques. En 2020, l'Institute for Jewish Policy Research, un institut basé au Royaume-Uni, comptait 449 000 juifs dans l'Hexagone sur les quelque 1,3 million de personnes se décrivant comme juives en Europe occidentale, en Turquie et en Russie. Selon cette étude, le nombre de juifs en France et en Europe a fortement baissé au profit des États-Unis et d'Israël ces dernières décennies. Ils étaient ainsi 530 000 en France dans les années 1970, affirment les auteurs.

Parmi les enquêtes disponibles, on peut également citer celle de la Fondation Jean-Jaurès réalisée par Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach en 2016. Dans "L'An prochain à Jérusalem ?" (éd. de l'Aube), les deux chercheurs font la distinction entre les personnes qui se revendiquent de confession juive et celles ayant au moins un parent juif sans nécessairement être pratiquant. L'étude dénombrait alors 290 000 personnes de confession juive et 480 000 ayant au moins un parent juif.

  • À quand remonte la présence des juifs en France ?

La présence de juifs en France est attestée dès le Ier siècle de notre ère et l'époque romaine. L'histoire de la communauté est ensuite intimement liée à celle des grandes vagues d'immigration, en particulier au XIXe siècle avec les Ashkénazes qui fuient les persécutions et la pauvreté en Europe de l’Est.

Au XXe siècle, les indépendances de la Tunisie et du Maroc en 1956, puis celle de l'Algérie en 1962, créent un avenir incertain pour les juifs du Maghreb, qui sont alors très nombreux à rejoindre la métropole. L'arrivée des juifs séfarades transforme et redynamise profondément la communauté juive de France. Dans les années 1970, ils s'installent de préférence en région parisienne, notamment dans les nouvelles villes de Sarcelles et Créteil, mais aussi à Toulouse, Marseille, Lyon ou encore Strasbourg.

L'histoire de cette minorité est scandée par des évènements douloureux. Au Moyen-Âge, elle connaît de nombreux épisodes de persécutions. En 1306, le roi Philippe le Bel ordonne même l'expulsion de tous les juifs du royaume. La Révolution marque un tournant en mettant fin aux discriminations légales qui ciblent cette communauté. Les juifs deviennent citoyens français à part entière. C'est le début du processus d'émancipation des juifs en Europe.

Reste la plus grande blessure de l'histoire des juifs de France : la déportation par les nazis avec l’aide du régime de Vichy de 76 000 juifs dont plus de 11 000 enfants, soit un quart de la population juive française. La plupart sont morts dans le camp d'Auschwitz-Birkenau.

  • L'antisémitisme est-il en hausse ?

Comme dans d'autres pays, l'antisémitisme en France a connu un changement d'échelle ces deux dernières années. Le moment de bascule s'est fait en 2023 avec un record de 1 676 actes antisémites, contre 436 l'année précédente. Cette tendance s'est poursuivie en 2024 avec 1 570 actes antisémites comptabilisés par le ministère de l'Intérieur.

© Studio graphique France Médias Monde

Concernant l'année en cours, les chiffres sont à la baisse mais restent élevés par rapport à la moyenne observée ces dix dernières années. De janvier à juin, la place Beauvau a enregistré 646 actes antisémites, soit 27,5 % de moins que sur la même période l'année dernière, mais ces chiffres restent nettement supérieurs à ceux enregistrés début 2023, avant les attaques terroristes du Hamas et le déclenchement de la guerre à Gaza.

Cependant, le nombre d'agressions physiques et verbales ou actes de vandalisme visant des personnes identifiées comme juives est probablement sous-évalué. Les statistiques du ministère de l'Intérieur ne prennent en effet en compte que les actes ayant fait l'objet d’une plainte ou d’un signalement.

  • Les juifs français sont-ils plus nombreux à émigrer vers Israël ?

La France ne dispose pas de statistiques officielles sur le sujet. En revanche, l'État hébreu communique des chiffres par le biais de l'Agence juive pour Israël, l'organe gouvernemental chargé de l’immigration juive, le Bureau central des statistiques (CBS) ou encore le ministère de l’Immigration et de l’Intégration.

En 2024, 2 170 citoyens français ont rejoint l'État hébreu, contre 1 100 l'année précédente. Cette augmentation de près de 100 % est toutefois à relativiser car 2023 avait été une année historiquement basse. En 2022, ils étaient aussi 2 000 à immigrer en Israël depuis la France, contre 3 500 l'année précédenteUn pic a été enregistré en 2015 avec 7 892 départs à la suite de l’attentat de l’Hyper Cacher.

Les derniers chiffres disponibles suggèrent donc qu'il n'y a pas de forte augmentation de l'émigration vers Israël. Cependant, l'Agence juive en France fait état d'un nombre croissant de dossiers déposés, suggérant un intérêt renouvelé des juifs désirant faire leur alya – ou  "ascension".

Cette immigration juive est fortement encouragée par l’État hébreu depuis l'instauration de la "loi du retour" votée le 5 juillet 1950 par la Knesset. Depuis, toute personne capable de prouver sa judéité, ou la présence de juifs dans son ascendance, peut devenir citoyen d’Israël.

  • Pour qui votent les juifs français ?

S'il n’y a pas de "vote juif" univoque, la tendance penche clairement à droite depuis au moins une trentaine d'années. Après avoir apporté un soutien important à la gauche à la fin des années 1970 et lors des présidentielles de 1981 et 1988, l'Ifop note dans plusieurs études un déplacement vers la droite de l'échiquier politique.

Lors de l’élection présidentielle de 2002, Alain Madelin obtient ainsi 21,5 % des voix dans cet électorat contre contre 3,9 % dans l’ensemble de la population. Une performance que les sondeurs expliquent par les positions pro-israéliennes du candidat du parti Démocratie libérale.

Cette évolution se confirme lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2007 : le discours sécuritaire de Nicolas Sarkozy séduit 45 % des juifs français inscrits sur les listes électorales.

Historiquement hostile au Front national de Jean-Marie Le Pen, le vote juif progresse aussi à l'extrême droite depuis une dizaine d'années. Avec les attaques terroristes du 7-Octobre et la montée de l'antisémitisme, une partie de la communauté est aujourd'hui tentée par le vote Rassemblement national, perçu comme plus protecteur des juifs.

A contrario, le divorce semble consommé avec la gauche, en particulier avec La France insoumise (LFI). Selon une enquête de l'Ifop réalisée en 2024, 92 % des juifs français estiment que le parti de Jean-Luc Mélenchon contribue à faire monter l’antisémitisme. Ils ne sont que 49 % à faire ce même reproche à la formation de Marine Le Pen.