Des manifestations ont éclaté au lendemain de l’annonce des résultats provisoires de l’élection présidentielle haïtienne. Contre toute attente, Jude Célestin, candidat adoubé par le président sortant René Préval, est donné présent au second tour.
La tension monte encore d’un cran en Haïti. La présence inattendue de Jude Célestin, dauphin du président sortant René Préval, au deuxième tour de l’élection présidentielle a provoqué de violentes manifestations dans plusieurs villes du pays.
Ce mercredi, des petits groupes de manifestants se sont réunis dans plusieurs endroits de la ville et se déplaçaient d’un quartier à l’autre en brandissant des portraits de Michel Martelly, candidat donné perdant à l’élection. Des barricades rendaient la circulation quasiment impossible dans les rues de la capitale.
Selon les résultats provisoires rendus publics par le Conseil électoral mardi soir (heure locale), la candidate Mirlande Manigat arrive en tête de l’élection avec 34,4% des voix. Jude Célestin obtient 22,5% des scrutins, suivi de près par Michel Martelly qui totalise 21,8% des votes. À peine 7 000 voix séparent ces deux candidats.
"L’apparition de Jude Célestin en deuxième position a surpris tout le monde ici, rapporte Amélie Baron, correspondante de RFI à Port-au-Prince. Cela ne reflète pas du tout les sondages réalisés avant le vote."
Ces sondages, réalisés par une mission d’observation de l’Union européenne, donnaient Mirlande Manigat en tête – une candidate réputée politiquement et très appréciée dans le pays – et en seconde position le candidat Michel Martelly, chanteur populaire plus connu sous le nom de "Sweet Micky".
Flambée de violence à l'annonce des premiers résultats
Dès l’annonce des résultats par le Conseil électoral provisoire mardi soir, Michel Martelly a immédiatement protesté. Il a accusé le chef de l’État sortant, René Préval, qui bat des records d’impopularité pour sa gestion désastreuse de l’après-séisme, de vouloir "voler l’élection" par la fraude et les manipulations au sein du Conseil électoral.
Des violences ont éclaté peu après dans les rues de la capitale et de plusieurs villes de province. Les partisans du chanteur ont érigé des barricades sur les hauteurs de Port-au-Prince, dans le quartier de Pétion-Ville et dans un gigantesque camp de fortune érigé sur le Champ de Mars, devant le palais présidentiel, au lendemain du séisme. L’ONU s’est dite "extrêmement préoccupée par la montée des violences en Haïti ces dernières semaines".
"On entend encore de nombreux tirs d’armes à feu", témoignait Amélie Baron mercredi à 6 heures (GMT +1) sur l’antenne de FRANCE 24. "On peut s’attendre à ce que ces débordements continuent, poursuit-elle. La police nationale et les casques bleus sillonnent la ville. Mais pour l’heure, ils ne semblent pas en mesure de contenir cette colère populaire".
Résultats définitifs attendus le 20 décembre
De concert, l’ONU, l’Organisation des États américains (OEA) et les pays du marché commun des Caraïbes (Caricom) ont appelé au calme. "Il faut prendre les choses avec calme et prudence et rappeler qu’il s’agit de résultats provisoires et non définitifs", affirme Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies en Haïti, joint au téléphone par FRANCE 24.
itLes résultats définitifs devraient être proclamés le 20 décembre. D’ici là, tous les recours contestant les résultats pourront être portés devant le Conseil électoral. Ils s’annoncent nombreux : samedi 4 décembre, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, avait concédé que les irrégularités constatées lors des élections apparaissaient "beaucoup plus sérieuses qu’on ne le pensait initialement".
De leur côté, les Etats-Unis ont jugé ces résultats "incohérents" et non conformes au décompte auquel "de nombreux observateurs locaux et étrangers ont assisté". "Les Etats-Unis, en collaboration avec les partenaires internationaux d’Haïti, sont favorables à un examen complet des irrégularités pour faire en sorte que les résultats électoraux soient conformes à la volonté exprimée par le peuple", a annoncé l’ambassade américaine dans un communiqué.
Pour la communauté internationale, une élection équitable est l’étape essentielle à la stabilisation de ce pays, ravagé par un séisme en janvier 2010, actuellement en proie à une violente épidémie de choléra et rongé par la corruption depuis des décennies. La date du second tour a été provisoirement fixée au 16 janvier 2011.