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Un livre revient sur le sauvetage des mineurs de San José

La journaliste Cristina L’Homme a rencontré une fille et deux femmes de mineurs pris au piège dans l'éboulement de la mine de San José (Chili) en août. Mónica, Verónica et Maritza racontent l'attente, l’angoisse et la vie des ‘hommes de l’ombre’.

Cristina L’Homme a couvert le sauvetage des mineurs chiliens de San José sur un blog pour Rue89. Un éditeur lui a proposé d’en faire un livre. "70 jours dans l’enfer de la mine" (éd. Prisma) est le fruit d’une enquête menée sur le campement situé autour de la mine ainsi que dans la ville de Copiapó - où vivent la plupart des familles de mineurs. Jour après jour, l'ouvrage détaille l’attente et le quotidien de Mónica, Verónica et Veronica. Toutes les trois sont soit filles ou femmes de mineurs pris au piège.

Comment s’est passée la rencontre avec ces trois femmes ?

J’avais remarqué dans le "camp espoir", situé à proximité de la mine, que des curés et des activistes catholiques aidaient et connaissaient bien les familles de mineurs. Ils m’ont fourni une liste qui a servi de base à mes rencontres. C’est en approchant plusieurs femmes et filles de mineurs que j’ai senti lesquelles allaient former la "matière" pour cette histoire. Les premiers contacts ont été très froids… Elles étaient harcelées par les journalistes. Le show médiatique était à vomir à ce moment-là. Il a fallu gagner leur confiance avant de leur faire raconter leurs vies. Alors, j’ai dû donner moi aussi, parler de moi. Par la suite, je me suis encore heurtée à des moments où elles ne voulaient rien dire, mais j’ai toujours respecté leur silence. Si bien qu’au moment de la libération je ne voulais pas les harceler, et l’une d’elle m’a téléphoné en s’étonnant : "Alors, tu ne m’appelles pas ?"

Elles viennent toutes les trois de milieux bien différents… (voir le diaporama)

Mónica est l’épouse d’un mineur qui a du grade : Florencio Ávalos – le premier à avoir été sorti de la mine – est surnommé ‘le contremaître’. Elle a 33 ans et vit à Copiapó dans des conditions décentes, dans un quartier respectable. Tout le contraire de Verónica, Bolivienne comme son mari Carlos, qui habite un bidonville collé à la décharge. Maritza, elle, n’attend pas son époux mais son père, Victor Segovia, un homme sans éducation qui n’a connu que la mine.

Pourtant Victor est surnommé ‘le poète’…

Parce que pendant ces soixante-dix jours sous terre, il a écrit des lettres à sa fille racontant sa vie sous terre, mais aussi des choses de la vie courante. Maritza ne m’a pas montré tous ses courriers, mais de temps en temps elle m'en lisait des passages. Ces lettres, avec son écriture enfantine tout en majuscules, sont très sensibles. Il a même rédigé cinq lettres d’adieux à ses cinq filles.

Comment vous parlent-elles du 22 août, le jour on a découvert que les mineurs étaient vivants ?

Pour toutes les trois c’est d’abord la joie, mais rapidement Mónica me dit qu’elle ressent le besoin de s’éloigner, de vivre l’attente et l’espoir à l’écart. Ce jour a été vécu comme un accouchement : on crie, on pleure et ensuite on se pose des questions, on se demande comment on va faire. Leur grand regret, c’est d’avoir dû attendre que l’annonce officielle soit effectuée par le président Pinera, qu’il montre aux caméras le message écrit par Mario Gomez pour se réjouir avec certitudes.

En racontant ces 70 jours, vous rendez aussi hommage à la vie des mineurs.

C’était l’occasion de parler de ce milieu dont tout le monde se fout, de la culture minière au Chili, du rapport des mineurs avec ce gagne-pain - le métier est bien mieux payé que la moyenne - qui peut coûter la vie. C'était aussi l'occasion de raconter comment on devient mineur, car il y a selon moi un côté fascinant dans ce métier. Cela, le show médiatique autour de San José n’en parlait pas du tout.

À quoi a servi ce show médiatique ?

Même s’il était par moments à vomir, on peut se demander si ces 33 hommes seraient sortis vivants sans les caméras et si les propriétaires de la mine n’auraient pas déclaré forfait pour essayer d’enterrer l’affaire. Toute la presse était là, car le direct faisait l’événement, mais elle a aussi permis le dénouement de cette histoire.

Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de faire du sensationnalisme avec l’histoire des mineurs de San José ?

Je réponds que c’est l’inverse ! Faire du sensationnalisme aurait été de parler seulement de l’événement, de la libération, ne pas aller voir à côté. Je raconte des histoires humaines qui touchent à la condition des mineurs, à leurs familles.

Diaporama : femmes et fille de mineurs
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