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L'instant + : en Libye, le Musée national transcende les clivages politiques
Après 14 années de fermeture, le Musée national libyen rouvre ses portes, permettant plus particulièrement aux jeunes générations de découvrir le prestigieux patrimoine de ce pays en proie à des années de guerre et de luttes entre factions ennemies. Les antiquités du musée avait été évacuées après le renversement de Kadhafi pour éviter les pillages. 
Des familles et des étudiants libyens visitent le Musée national après sa réouverture, à Tripoli, le 23 décembre 2025. © Mahmud Turkia, AFP

Peintures rupestres, antiquités gréco-romaines, joyaux des dynasties ottomanes... le Musée national libyen a récemment rouvert ses portes après 14 ans de fermeture, offrant à la Libye, profondément divisée l'occasion de redécouvrir un patrimoine qui transcende les clivages politiques.

À peine franchie l'entrée de l'emblématique Saraya al-Hamra ("la citadelle rouge") au cœur de Tripoli, autrefois siège du pouvoir, les visiteurs entreprennent un périple à travers l'histoire de la Libye.

"Arrivée il y a à peine un quart d'heure, j'ai déjà l'impression d'avoir voyagé. C'est un monde à part", s'enthousiasme auprès de l'AFP Nirmine Miladi, 22 ans, étudiante en architecture.

Si les statues romaines - "toutes nues !" - font ricaner certains écoliers, leur taille et leurs visages figés les impressionnent autant que les sabres et fusils turcs du 16e siècle ou les animaux empaillés de la section d'histoire naturelle.

Sarah Al-Motamid, 34 ans, venue avec sa fille Mariam 6 ans, souhaite que son enfant "comprenne que nous ne sommes pas sans passé ni civilisation. Beaucoup de gens ignorent que notre pays a une histoire millénaire et nous regardent comme si nous étions sans valeur".

"Un patrimoine qui appartient à tous les Libyens"

Le Musée national, déployé sur 10 000 m2 et quatre étages, a connu "une période sombre pendant les quatorze années de fermeture", explique à l'AFP le professeur Mohamad Fakroun, chargé de la coopération internationale au Département des Antiquités.

Depuis le renversement de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye peine à retrouver la stabilité. Deux exécutifs s'y disputent le pouvoir : un gouvernement basé à Tripoli, reconnu par l'ONU et dirigé par Abdelhamid Dbeibah et un autre à Benghazi (est), contrôlé par le maréchal Khalifa Haftar.

L'instant + : en Libye, le Musée national transcende les clivages politiques
Statues et des objets anciens du Musée national libyen, à Tripoli, le 23 décembre 2025. © AFP, Mahmud Turkia

Craignant pillages et actes de vandalisme après la révolution libyenne, le Département des Antiquités avait "évacué tous les artefacts jusqu'à ce que le pays retrouve sa stabilité", rappelle Mohamad Fakroun, archéologue de 63 ans dont 38 passés au sein de la Mission archéologique française de Libye.

Le Département des Antiquités et son personnel ont œuvré à "préserver un patrimoine historique et culturel qui appartient à tous les Libyens", souligne à l'AFP la nouvelle conservatrice Fathiya Abdallah Ahmad.

Trésors dissimulés plus d'une décennie

Cette dernière a fait partie de la poignée d'initiés qui connaissaient l'emplacement des pièces murées où les trésors du musée ont été dissimulés pendant plus d'une décennie. Une opération qui a permis de sauver l'intégralité des œuvres en attendant la réouverture du musée "dans un format moderne, conforme aux normes internationales", se réjouit-elle.

Le site consacre une salle complète "au fils de Leptis Magna, Septime Sévère, qui a dominé l'empire romain au 3e siècle" et une autre à des objets volés puis restitués notamment par les États-Unis et le Royaume-Uni, se félicite Mohamad Fakroun.

L'instant + : en Libye, le Musée national transcende les clivages politiques
L'une des salles du Musée national Libyen de Tripoli, consacré aux costumes anciens, le 23 décembre 2025. © AFP, Mahmud Turkia

De nombreux Libyens ont vu dans l'inauguration du 12 décembre le "retour d'un symbole national", un "indice de stabilité" après des années de guerre civile et "un pas vers la réconciliation entre les Libyens et avec leur passé, souvent méconnu", estime Aya, l'étudiante de 26 ans.

Malgré les difficultés économiques d'un pays riche en pétrole mais qui affronte des pénuries fréquentes d'espèces et de carburant, le gouvernement de Tripoli a investi près de 5 millions d'euros dans la réhabilitation du site et ses alentours.

Les travaux, étalés sur six ans, ont été menés "en coopération avec la Mission française et la Fondation Aliph (Alliance internationale pour la protection du patrimoine) chargées des études, inventaires et formation du personnel", explique Mohamad Fakroun.

Avec AFP