Épilogue d'un feuilleton qui a tenu les analystes politiques français en haleine durant six mois, la reconduction de François Fillon à la tête du gouvernement témoigne de la popularité du Premier ministre de Nicolas Sarkozy.
Il aurait été difficile pour Nicolas Sarkozy de s’en séparer. François Fillon apparaît comme l’unique recours possible du chef de l’État français, qui entend faire de la seconde partie de son mandat une rampe de lancement pour la présidentielle de 2012.
Pour le journaliste et écrivain Denis Jeambar, Nicolas Sakozy a choisi "le fidèle d’entre tous les fidèles". Pourtant, la relation entre les deux hommes s’est souvent apparentée à un duel plutôt qu’à un duo. Surnommé "Droopy" ou "Mister Nobody", et qualifié en 2007 de "collaborateur" par Nicolas Sarkozy, l’ancien ministre de Jacques Chirac connaît des débuts difficiles à Matignon. Raillé par la presse pour sa trop grande discrétion, l'homme aux costumes sombres et aux cheveux bien ordonnés restait dans l’ombre de l’hyperprésident.
Mais cette opposition de style finit par s’avérer payante pour le Premier ministre. Sa cote de popularité traverse les crises et les réformes sans vaciller, au point de dépasser celle de Sarkozy. Quand le premier surfe sur une popularité à plus de 40 %, le second chute sous la barre des 30 %. Son style prudent rassure auprès des députés de la majorité régulièrement déboussolés par l’Élysée.
Le chef de gouvernement n’hésite plus à marquer sa différence, notamment sur les propos du président liant immigration et délinquance, ou en associant le rabotage des niches fiscales à une augmentation des impôts.
Atout pour 2012
Mais cet été, le couple est au bord de la rupture et François Fillon est donné partant. En septembre, le Premier ministre affiche ses distances avec le président en déclarant, lors d’un entretien avec la chaîne France 2, que Sarkozy n’est pas son "mentor".
Mais sa cote de popularité ne cesse de grimper, autant auprès des Français que parmi les députés de la majorité, qui lui offrent régulièrement des standing-ovations à l’Assemblée nationale. Le simple "collaborateur" d’antan devient alors un atout pour Sarkozy dans la perspective de 2012.
Début novembre, Fillon revient au premier plan de la liste des prétendants à sa succession en défendant son bilan social : "Je crois à la continuité de notre politique réformiste parce que je pense qu’on ne gagne rien à changer de cap au milieu de l’action et parce que le redressement de la France réclame de la durée".
Fillon multiplie les attaques contre son plus grand rival dans la course à Matignon : Jean-Louis Borloo, jugé plus original et censé incarner la rupture. Toujours avec mesure, il s’essaie à quelques pointes de fantaisie en se définissant comme un "vrai geek" et un mordu de course automobile.
"Le relais naturel auprès de la majorité"
Pari gagné. À une semaine du remaniement, 47 % des Français voulaient même le voir rester rue de Varenne, contre 22 % pour Jean-Louis Borloo, d’après TNS-Sofres.
L’annonce de son maintien à Matignon sonne alors comme une évidence. "Le président a choisi un Premier ministre de poids, commente Jacques Myard, député UMP des Yvelines. Il est le relais naturel auprès de la majorité."
Aujourd’hui, François Fillon, 56 ans, est le grand vainqueur de ce remaniement. Sauf incident majeur, c’est la première fois sous la Ve République qu’un Premier ministre restera à Matignon la durée du mandat présidentiel. "C'est l'aveu de faiblesse de Nicolas Sarkozy, a indiqué à la chaîne BFM-TV le chef de file des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault. C'est un président qui est en difficulté [...] qui a cherché une solution pour rebondir et qui finalement n'y arrive pas."
Fillon s'impose comme la personnalité la plus en vue à droite pour l'avenir : 53 % des Français souhaitent ainsi qu'il "joue un rôle politique important à l'avenir". Fillon, Premier ministre reconduit… et présidentiable ?
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