Afin de conserver ses chances de contrats aux États-Unis, la société ferroviaire a exprimé des regrets pour son rôle dans la déportation des juifs lors de la Seconde Guerre mondiale, alors qu'elle affirmait avoir agi sous la contrainte.
AFP - Pour préserver ses chances d'obtenir des contrats aux Etats-Unis, la SNCF a exprimé pour la première fois ses regrets pour son rôle dans la déportation des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale, alors que l'entreprise publique affirmait jusque-là pour sa défense avoir agi sous la contrainte.
En déplacement début novembre aux Etats-Unis pour présenter l'offre de la SNCF pour le projet de ligne à grande vitesse Tampa-Orlando, son président, Guillaume Pepy, a rencontré, à Fort Lauderdale, des élus de l'Etat de Floride et des associations juives.
Selon Le Monde, il a fait part du "souhait de la SNCF d'exprimer sa profonde peine et son regret pour les conséquences de ses actes" réalisés sous la contrainte "de la réquisition", des propos confirmés à l'AFP par la SNCF.
C'est la deuxième fois que la SNCF, également candidate à la construction d'une ligne à grande vitesse en Californie, se voit contrainte de rendre des comptes sur son action pendant la Seconde guerre mondiale.
En Californie, le démocrate Bob Blumenfield a fait adopter une loi qui oblige tous les candidats à un contrat à faire la lumière sur leur éventuel rôle dans le transport de déportés de 1942 à 1944. Un élu de Floride à la Chambre des représentants, le démocrate Ron Klein, a déposé au niveau fédéral un projet de loi similaire.
A défaut d'être mentionnée dans les textes, la SNCF est clairement visée par les élus, qui lui reprochent de ne pas reconnaître sa responsabilité.
Fin août, M. Pepy avait déclaré que la SNCF, qui a transporté quelque 75.000 Juifs déportés pendant la guerre, était prête à ouvrir ses archives aux Américains et qu'il prenait cette affaire "très au sérieux".
Mais il s'en était tenu à la position officielle de l'entreprise, mettant en avant que les cheminots étaient "sous le joug de l'occupant nazi" et que plus de 2.000 d'entre eux avaient été "exécutés".
Une position relayée par le sénateur Jean-Pierre Raffarin, qui préside le groupe d'amitié France-USA au Sénat, lors d'une visite au Congrès en septembre.
Mais au vu des enjeux financiers de ces contrats (des dizaines de milliards de dollars), pour la SNCF et surtout pour son fournisseur de trains Alstom, la direction de la compagnie ferroviaire a choisi de se repentir publiquement.
"C'est un pas évident dans l'avancée de la vérité historique, que le procès de mon père avait permis d'établir, ainsi que le rapport Bachelier", a réagi auprès de l'AFP l'ex-député européen Verts Alain Lipietz, qui invite M. Pepy à "redire ses excuses en France".
"Mais ce qui est lamentable, c'est qu'il fait ça aux Etats-Unis uniquement pour améliorer sa position dans un appel d'offres, et non pas pour éviter que ça se reproduise un jour", a-t-il ajouté.
La famille Lipietz, dont quatre membres ont été déportés, a perdu en appel son procès contre l'Etat et la SNCF, qui avait fait appel de sa condamnation par le tribunal administratif de Toulouse en 2006, reconnu incompétent pour trancher cette question.
"J'encourage la SNCF à regarder en face cette page de l'histoire, quitte à briser des mythes", a réagi de son côté François Zimeray, ambassadeur pour les droits de l'homme, qui regrette toutefois que cette tragédie ait été "instrumentalisée à des fins de protectionnisme".
Et la France, qui a fait un "travail exemplaire" en matière de "mémoire, d'indemnisation et de réparation", ne mérite pas le procès qui lui est fait, a-t-il ajouté.