
Le gouvernement du Sud-Soudan se prépare à organiser le 9 janvier 2011, un référendum crucial sur une éventuelle partition avec le Nord. L’ONU craint une nouvelle explosion de violences dans le pays, qui vient de sortir d'une guerre civile.
En faisant abstraction de la présence de soldats, il est difficile d’imaginer que le Sud-Soudan était plongé dans la guerre civile il y a moins de dix ans ou qu’une nouvelle vague de violences pourrait éclater dans les prochaines semaines.
“Il n’existe aucune plaie visible de la guerre et ce n’est pas un sujet dont les gens parlent”, commente Benjamin Macciow, un infirmier en puériculture travaillant pour une ONG humanitaire, dont il préfère taire le nom. Toutefois, le rejet de la minorité arabe locale par les Sud-Soudanais est palpable, concède-t-il.
Cette animosité est la conséquence de deux décennies de guerre civile qui a fait quelque 2 millions de morts entre le Nord, à majorité musulmane, et le Sud-Soudan, un territoire grand comme la France peuplé de chrétiens et d'animistes. En 2005, un accord de paix global (GPA) a été signé entre les deux parties. Le texte prévoit un régime d'autonomie de six ans au Sud-Soudan, période à l'issue de laquelle un référendum d'autodétermination sera organisé. La date a été fixée au 9 janvier 2011.
"Risque d’une guerre plus sérieuse"
Dans moins de cent jours, les Sudistes sont appelés à choisir entre le maintien de l'unité du pays ou la sécession, ce qui semble l’issue la plus probable. Mais le gouvernement du président Omar el-Béchir a affirmé mardi qu'il n'accepterait aucune alternative à l'unité du Soudan. "Bien que nous soyons engagés par l'accord de paix global, nous n'accepterons pas d'alternative à l'unité", a-t-il déclaré dans un discours à l'Assemblée nationale. Il a également prévenu qu'il risquait d'y avoir une "guerre plus sérieuse" que la précédente si les questions en suspens entre les parties - comme la démarcation des frontières, le partage des revenus du pétrole et les eaux du Nil - n'étaient pas réglées avant le scrutin.
Après une réunion du Conseil de sécurité sur le Soudan vendredi, le responsable des opérations de maintien de la paix de l'ONU, Alain Le Roy a affirmé que des troupes supplémentaires seraient déployées à la frontière entre le Nord et le Sud-Soudan dans les prochaines semaines pour empêcher d'éventuelles violences liées au référendum.
L'enjeu du référendum : le contrôle du pétrole
Tout l’enjeu de ce scrutin repose sur le contrôle du pétrole, dont les sous-sols du Sud-Soudan regorgent à hauteur de 80%. Selon le Fonds monétaire international (FMI), 65% des revenus du gouvernement dépendent des exportations de pétrole. Mais l’accord de 2005 plaide pour une partition égale des revenus du pétrole entre le Nord et le Sud.
“Nous savons où se situent les frontières”, indique John Ashworth, analyste, auteur d'un rapport publié en septembre par le groupe de pression chrétien Pax Christi. “Mais si vous regardez les cartes qui ont été définies en 1956, vous verrez que depuis les années 1970, quand le pétrole a été découvert dans les sous-sols, ces frontières ont été déplacées vers le sud”, ajoute-t-il.
Le GPA prône également pour un deuxième référendum dans la région d’Abyeï, qui se situe de part et d’autre de la frontière. Khartoum a indiqué jeudi que le référendum ne pourrait pas se tenir dans les temps.
"L’opportunité d’être là à temps"
Nombre de dirigeants craignent que le Sud-Soudan déclare une indépendance unilatérale, déclenchant un nouveau conflit si le vote est retardé. "[Le GPA] est favorable au Sud-Soudan. Quand le Nord a signé, beaucoup d’observateurs craignaient alors qu’il ne soit pas respecté", indique Ashworth. Or, une nouvelle vague de violences pourrait amplifier les conflits dans les pays voisins, comme la République démocratique du Congo, l’Ouganda, le Tchad et même la Somalie.
Par ailleurs, la bataille pour l'indépendance du Sud est suivie de près par les chefs d’état arabes qui ont tendance à sympathiser avec le président El-Béchir, sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide au Darfour. Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a prévenu, la semaine dernière, qu’une partition du pays serait "une maladie contagieuse" qui pourrait se répandre comme une tache d’huile sur le continent. Lors du 2e sommet afro-arabe le 10 octobre, il a appelé tous les dirigeants à soutenir El-Béchir.
Dans le Sud-Soudan, l’infirmier en puériculture propose des formations sur la sécurité aux Sud-Soudanais en cas d’une nouvelle guerre. "Mes élèves pensent que la violence va éclater mais ils s’estiment en sécurité ici", dit-il. Une opinion qui n’est pas partagée par tous. Alors qu’approche la date du référendum, Macciow indique que de nombreux musulmans du Sud craignant des représailles sont prêts à quitter le pays.