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33 mineurs sauvés au Chili, 33 mourraient chaque jour dans le monde

Le spectaculaire et médiatique sauvetage des 33 mineurs chiliens rappelle que chaque année, dans le monde, ils sont environ 12 000 à mourir dans les mines. À Santiago, le président Pinera a promis une amélioration des conditions de sécurité au Chili.

"Nous ne pouvons oublier comment a débuté cette dramatique histoire : les mineurs sont restés pris au piège parce que les mesures de sécurité étaient insuffisantes." Comme l’a rappelé jeudi Juan Somavia, le directeur général chilien du Bureau international du travail (BIT), les débordements de joie et les prouesses technologiques liées au spectaculaire sauvetage des 33 mineurs chiliens ne doivent pas faire oublier les origines de la catastrophe.

La mine d’or et de cuivre de San José était réputée dangereuse ; elle avait été fermée en

2007 suite à la mort d’un mineur avant d’être rouverte en 2008. Et cette mine n’est pas un cas isolé au Chili, où plusieurs dizaines de mineurs meurent chaque année dans des accidents. Les sommes dépensées pour sauver les 33 mineurs – 10 à 20 millions de dollars – "contrastent avec ce que le gouvernement dépensait pour protéger les mineurs avant l’accident", note l’Icem, Fédération internationale des travailleurs de la chimie, de l'énergie, des mines et des industries diverses.

"Avec 900 mines privées étendues sur 4 300 kilomètres, le Chili n’avait que 18 inspecteurs pour contrôler", poursuit la Fédération dans un communiqué.

À Santiago, le président Sebastian Pinera a d’ores et déjà promis des mesures. "Je pense qu’au Chili, nous ne faisons pas tout ce qu’il faut pour éviter les accidents", a-t-il déclaré jeudi lors d’une conférence de presse. Il a annoncé une augmentation du budget du Service national de géologie et des mines, l’organe qui régule cette industrie. De 24 à 56 millions de dollars. Et le nombre de techniciens chargés de contrôler les mines devrait passer de 18 à 45 d’ici fin 2011.

Il prévoit, en outre, la création d'un comité d’experts qui devra émettre des recommandations afin de réviser les législations en matière de sécurité dans les mines. "Reste à voir ce que le gouvernement et les employeurs chiliens feront une fois les caméras parties", tempère l’Icem.

1 % de la main d’œuvre mondiale, 8 % des accidents mortels

Le Chili n’a pas le monopole des mines dangereuses. Dans le monde, l’Icem estime que 12 000 mineurs meurent chaque année au travail. Cela fait 33 par jour, autant que le nombre de Chiliens sauvés cette semaine. "Ce chiffre correspond à nos statistiques, mais nous savons que beaucoup d’accidents ne sont jamais déclarés", rapporte de son côté Martin Hahn, spécialiste du secteur minier à l’Organisation internationale du travail.

Établir des statistiques précises dans un secteur qui emploie officiellement 11 millions de personnes dans le monde, mais environ 13 millions dans le secteur informel, reste complexe, explique-t-il. Selon le BIT, "le secteur minier emploie près d’1 % de la main d'œuvre mondiale mais compte 8 % des accidents mortels" au travail. "Il n’y a pas que les morts, précise Martin Hahn, beaucoup de maladies sont liées à la mine, notamment des maladies des poumons causées par les poussières."

Principaux pays concernés par les accidents, selon l’Icem : la Chine, l’Inde et l’Ukraine. Pékin détient le record de morts avec, en 2009, 2 631 décès officiels. Chaque semaine dans le pays, les accidents se succèdent. Dimanche 3 octobre, l’agence Xinhua a, par exemple, annoncé la mort de cinq mineurs suite à une explosion dans la mine de Huanghegou, dans le Sud. Et ce vendredi, neuf mineurs sont bloqués à 186 mètres sous terre dans une mine de la province de Jiangxi, dans le Sud-Est.

Mais les mineurs meurent aussi en Turquie, en Colombie, au Mexique, en Afrique du Sud... Et aux États-Unis : 29 sont morts en avril cette année dans un coup de grisou à Montcoal, en Virginie occidentale.

Comment éviter les accidents ?

La médiatisation du sauvetage permettra-t-elle de faire progresser les conditions de travail des mineurs au Chili et dans le monde ? C’est ce qu’espère Martin Hahn. L’événement pourrait selon lui permettre de relancer les discussions avec les pays qui n’ont pas encore signé la Convention 176 sur la sécurité et la santé dans les mines. Ce texte, par lequel les pays s’engagent à améliorer la sécurité, n’a pas encore été ratifié par le Chili et la Chine.

Quant à l’Icem, elle détaille sur son site les leviers à actionner pour éviter les accidents. Selon elle, c’est d’abord l’absence de syndicalisation dans de nombreux pays, et particulièrement en Chine, qui fait que les droits des mineurs ne sont pas protégés et que ceux-ci doivent "mettre leur vie en danger". Elle déplore également l’absence de législation sur la sécurité dans les mines dans nombre d’États. "Seuls 24 pays ont ratifié la Convention 176 de 1995", rappelle-t-elle.

L’Icem pointe aussi du doigt les pots-de-vin grâce auxquels les employeurs peuvent échapper aux règles, quand elles existent. Au Chili, "on a rapporté des cas réguliers de corruption permettant à des mines non sécurisées de rester ouvertes", dénonce la Fédération. La rémunération aussi pose problème : dans des pays comme la Russie ou l’Ukraine, elle est largement basée sur la production des mineurs, qui sont alors poussés à "compromettre leur sécurité pour ramener suffisamment d’argent afin de faire vivre leur famille".

La Fédération rappelle enfin que la majorité des accidents ont lieu dans des mines gérées par des petits exploitants – c’est le cas de la mine de San José. Celles-ci n’ont pas le capital et les technologies nécessaires pour appliquer les règles de sécurité. De plus en plus d’employeurs remplacent les mineurs expérimentés par des travailleurs mal formés et mal équipés, ajoute l’Icem.

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