Dur constat : selon le dernier rapport du Forum mondial de l'économie, la France est passée du 18e au 46e rang mondial pour l'égalité entre hommes et femmes. L'inégalité salariale et l'absence de femme en politique en sont les principales causes.
Il fait bon être une femme en Islande, beaucoup moins en France. Si le pays nordique domine ce classement 2010 de la parité, établi mardi par le Forum économique mondial, la France a fait une spectaculaire dégringolade de la 18e place en 2009 à la 46e . Parmi les pays de l’Union européenne, seuls la Grèce, l’Italie et la République tchèque affichent un bilan encore moins glorieux.
"C’est vrai que de se retrouver derrière des pays comme le Lesotho ou la Namibie est assez étonnant, et pas très flatteur si l’on considère qu’en tant que pays développé, nous devrions être dans le peloton de tête", reconnaît Cédric Rio, chargé de mission à l’Observatoire français des inégalités. Deux facteurs plombent particulièrement la situation française : la parité politique et l’égalité salariale entre les hommes et les femmes à poste équivalent.
La France tombe même dans les tréfonds du classement, à la 127e position, si on considère la perception de l’égalité salariale. "Nous avons demandé à des dirigeants d’entreprises françaises s’ils pensent que les femmes sont aussi bien payées que les hommes et, depuis trois ans, la situation s’est fortement détériorée sur ce front", raconte Saadia Zahidi, coauteur du rapport. Il y a donc un fort sentiment de discrimination professionnelle qui pourrait changer si "les entreprises faisaient des efforts de transparence salariale", estime Saadia Zahidi.
Coup de publicité
En moyenne, les Françaises gagnent 22 % de moins que leurs homologues masculins. "Une situation qui n’a pas vraiment évolué depuis 10 ans", confirme Cédric Rio. Une enquête du centre de recherche américain Pew révèle que trois Français sur quatre pensent qu’il vaut mieux être un homme qu’une femme dans le monde du travail. Aucun autre pays, parmi les 22 étudiés, n’a un tel ratio.
Pour ce qui concerne la parité politique, les choses ne vont pas forcément mieux. Quelque 82 % des parlementaires sont des hommes, et les cabinets ministériels n’ouvrent pas non plus grand leur porte aux femmes. "Il y a aussi un effet de conjoncture, puisqu’il y a deux ans la France avait mis en place un gouvernement très égalitaire, et aujourd’hui après le départ de plusieurs femmes ministres, il semble que c’était essentiellement un coup de publicité", souligne Saadia Zahidi.
"C’était pourtant un engagement de campagne de Nicolas Sarkozy qu’il a très vite mis de côté", souligne Cédric Rio. "C’est d’autant plus étonnant lorsqu’on regarde le niveau de qualification des femmes en France qui est l’un des plus élevés au monde", note Saadia Zahidi. Elles devraient donc être plus nombreuses aux postes à responsabilités.
Le net recul de la France sur le front de l’égalité s’explique autant par les faibles progrès effectués, que par les efforts déployés dans d’autres pays. Cependant, le rapport n’emporte pas l'adhésion. "Faire une moyenne pondérée de tous les critères a comme conséquence de faire passer au second plan certains aspects pourtant essentiels", nuance Cédric Rio. Ainsi, la France conserve sa première place pour l’accès des femmes aux soins et à l’éducation. Mettre sur le même plan la présence politique des femmes et l’accès à certains services vitaux permet à des pays comme le Lesotho d’être en 8e position, alors que les femmes pauvres, plus nombreuses, y souffrent sans doute davantage qu’en France.