
Archive: une femme brandit le drapeau du Somaliland alors que les électeurs font la queue pour voter lors de l'élection présidentielle de 2024 au Somaliland, dans un bureau de vote à Hargeisa, Somaliland, le mercredi 13 novembre 2024. © Abdirahman Aleeli, AP
Israël a annoncé vendredi 26 décembre la reconnaissance officielle du Somaliland, une république autoproclamée qui a fait sécession de la Somalie. À ce jour, elle n'était reconnue par aucun autre pays.
Avec les retombées géopolitiques qu'un tel rapprochement peut entraîner autour de la mer Rouge, l'annonce israélienne a provoqué un concert de condamnations, de la part de la Somalie, de Djibouti, de l'Égypte, mais aussi de la Turquie, qui a fustigé une "ingérence".
Le territoire du Somaliland – situé à la pointe nord-ouest de la Somalie – est désormais considéré par Israël comme "un État indépendant et souverain", selon un communiqué des services du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Une déclaration "conjointe et mutuelle" a été signée par les deux pays.
Dans un appel en visioconférence avec le président du Somaliland, Abdirahman Mohamed Abdullahi, le chef du gouvernement israélien a applaudi une "amitié" et une "belle opportunité pour élargir" un partenariat entre les deux pays, notamment dans les domaines économique et agricole.
Le président du Somaliland, surnommé également "Irro", a lui salué "un moment historique". "Cette étape marque le début d'un partenariat stratégique qui promeut les intérêts mutuels, renforce la paix et la sécurité régionales", a-t-il réagi sur X.
Atteinte à "la souveraineté territoriale"
Cette reconnaissance a provoqué la colère en Somalie, qui a condamné condamné une "attaque délibérée contre sa souveraineté" de la part d'Israël.
La reconnaissance du Somaliland par Israël exacerbe également "les tensions politiques et sécuritaires dans la Corne de l'Afrique, la mer Rouge et le golfe d'Aden, le Moyen-Orient et la région au sens large", a averti le bureau du Premier ministre somalien Hamza Abdi Barre dans un communiqué.
Le chef de la diplomatie somalien s'entretenait vendredi soir par téléphone avec ses homologues en Égypte, Djibouti et Turquie, lors d'une réunion de crise. Les quatre ministres ont exprimé leur "rejet total et leur condamnation" de cette décision, et souligné leur "plein soutien à l'unité, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la Somalie", selon un communiqué du ministère égyptien des Affaires étrangères.
La Somalie a par ailleurs réaffirmé son soutien "indéfectible" aux droits légitimes du peuple palestinien, "notamment à son droit à l'autodétermination, et son rejet catégorique de l'occupation, des déplacements forcés".
"À cet égard, la Somalie n'acceptera jamais de rendre le peuple palestinien apatride", a-t-elle ajouté. En août, plusieurs médias internationaux ont fait état de discussions entre les autorités israéliennes et du Somaliland pour l'accueil de Palestiniens expulsés de Gaza.
Dans un communiqué distinct, le Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui regroupe l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Koweït, Oman et le Qatar, a dénoncé "une atteinte flagrante à la souveraineté et à l'intégrité territoriale" de Mogadiscio.
Même tonalité du côté de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) et de la Ligue arabe. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a estimé que cette reconnaissance par une "puissance occupante" constituait "une violation manifeste des règles du droit international et une atteinte grave au principe de l'unité et de la souveraineté des États".
Un allié en mer Rouge
Le Somaliland a déclaré unilatéralement son indépendance en 1991, alors que la République de Somalie sombrait dans le chaos après la chute du régime militaire de l'autocrate Siad Barre.
Il fonctionne depuis en autonomie, avec ses propres monnaie, armée et police, et se distingue par sa relative stabilité comparé à la Somalie, minée par l'insurrection islamiste des shebab et les conflits politiques chroniques.
Mais il n'était jusqu'alors reconnu publiquement par aucun pays, ce qui le maintient dans un certain isolement politique et économique.
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Le ministre des Affaires étrangères israélien Gideon Saar a indiqué vendredi que les deux pays allaient établir "des relations diplomatiques complètes, avec la nomination d'ambassadeurs et l'ouverture d'ambassades".
Et le président du Somaliland a été invité en Israël, d'après les services de Benjamin Netanyahu.
Pour Israël, l'intérêt d'un tel rapprochement est aussi géostratégique, estime dans un récent rapport l'Institut d'études de sécurité nationale (INSS) basé à Tel Aviv.
Engagé sur plusieurs fronts régionaux depuis le début de la guerre à Gaza et l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023, "Israël a besoin d'alliés en mer Rouge pour de nombreuses raisons stratégiques, notamment une potentielle campagne contre les Houthis" du Yémen, analyse l'INSS.
"Le Somaliland est un candidat idéal pour une telle coopération" : son territoire offrirait "un accès potentiel à un terrain d'opérations".
Alors que Benjamin Netanyahu doit rencontrer la semaine prochaine aux États-Unis son grand allié Donald Trump, l'Institut rappelle aussi que pour le Somaliland, "la récompense la plus convoitée serait une reconnaissance américaine", qui pourrait pousser de nombreux pays à emboîter le pas à Washington.
Avec AFP
