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L'avocat d'une Tchétchène assassiné en plein cœur de Moscou

Un avocat russe spécialiste de la Tchétchénie a été abattu à Moscou et une journaliste présente à ses côtés a succombé à ses blessures. Me Stanislav Markelov défendait la famille d'une Tchétchène étranglée par un ex-colonel russe.

AFP - Un avocat russe spécialiste des crimes commis en Tchétchénie (Caucase du Nord) a été abattu lundi en plein coeur de Moscou, et une journaliste stagiaire du bi-hebdomadaire Novaïa Gazeta, grièvement blessée à ses côtés pendant l'attaque, a succombé à ses blessures peu après.

Ces meutres viennent s'ajouter à la liste des crimes ayant visé ceux qui ont dénoncé les exactions commises pendant les guerres dans cette région.

L'avocat, Me Stanislav Markelov a été tué alors qu'il venait de dénoncer au cours d'une conférence de presse la libération anticipée de l'ex-colonel russe Iouri Boudanov, condamné à 10 ans de prison en 2003 pour avoir étranglé trois ans plus tôt Elza Koungaïeva, une Tchétchène de 18 ans.

Il était l'avocat de la famille de la jeune fille.

"Les enquêteurs étudient les différents mobiles de l'assassinat, y compris l'activité professionnelle de la victime", a indiqué le Comité d'enquête du parquet russe dans un communiqué.

"Après la conférence de presse, il est parti et il a été attaqué (...) Il n'avait rien dit des menaces dont il aurait été la cible", a indiqué à l'AFP une responsable du Centre de presse indépendant, où l'avocat s'était exprimé avant d'être tué.

Le père d'Elza Koungaïeva, Vissa Koungaïev, a pour sa part déclaré à l'antenne de la radio indépendante Echo de Moscou que Me Markelov avait reçu récemment des menaces.

"Il m'a dit qu'on lui envoyait des SMS, qu'on l'appelait. On lui disait d'arrêter avec l'affaire Boudanov ou alors on allait le tuer", a expliqué M. Koungaïev.

Lorsqu'il a été tué, Me Markelov était accompagné d'une stagiaire de Novaïa Gazeta, un journal qui dénonce aussi les exactions commises pendant les deux guerres de Tchétchénie et pour lequel avait travaillé Anna Politkovskaïa, une journaliste spécialisée sur cette région et qui a été assassinée en octobre 2006.

La jeune fille, Anastassia Babourova, née en 1983 selon les médias russes, est décédée quelques heures après avoir reçu des blessures à la tête pendant l'attaque.

"Je vous confirme qu'elle est décédée il y a 20 minutes. On nous l'a annoncé", a déclaré à l'AFP un porte-parole du journal.

Le Procureur général de Russie Iouri Tchaïka a indiqué avoir pris "personnellement" le contrôle de l'enquête.

Par ailleurs, Viatcheslav Izmaïlov a rappelé que Me Markelov avait aussi défendu Anna Politkovskaïa dans plusieurs affaires.

Il était aussi l'avocat de Magometsalih Massaïev, un homme porté disparu depuis le mois d'août 2008 après qu'il eut accusé le président tchétchène Ramzan Kadyrov de l'avoir pris en otage pendant quatre mois.

Ces dernières semaines, Me Markelov avait critiqué publiquement la libération anticipée de l'ex-colonel Boudanov, une décision condamnée aussi par les défenseurs des droits de l'homme et qui a provoqué l'indignation en Tchétchénie.

Officiels tchétchènes et défenseurs des droits de l'homme ont aussi dénoncé avec véhémence le meurtre de l'avocat.

Il s'agit d'un "crime méprisable", a réagi dans un communiqué une responsable d'Amnesty International, Nicola Duckworth.

"Les autorités russes doivent prendre des mesures décisives pour montrer que de tels crimes ne seront pas tolérés", a-t-elle ajouté.

Un porte-parole du représentant du président tchétchène pour les droits de l'homme, cité par Ria Novosti, s'est montré encore plus virulent: "Nous supposions et nous avions averti que Boudanov allait commettre d'autres crimes. On ne peut pas dire que c'est lui, mais on peut dire que ce sont ses partisans en accord avec lui".

"Le meurtre dans le centre de Moscou d'un avocat qui s'occupait d'affaires politiques importantes, a autant d'importance que l'assassinat d'Anna Politkovskaïa", a déclaré de son côté Lioudmila Alekseïeva, qui dirige le groupe Helsinki de Moscou, à l'agence Interfax.

Le procès des complices présumés du meurtre d'Anna Politkovskaïa se poursuivait par ailleurs à Moscou, alors que le tireur présumé n'a toujours pas été arrêté et que le commanditaire n'est pas identifié.