
La mort du chef militaire "Mono Jojoy", au cours d'une offensive des forces de sécurité, est une "nouvelle historique" pour la Colombie, a déclaré le président Juan Manuel Santos. Il promet de continuer à lutter contre la guérilla.
Il était le dernier "mythe" vivant de la guérilla. "Mono Jojoy" a été tué jeudi, à l'âge de 57 ans, lors d'une opération menée conjointement par les forces de sécurité colombiennes. Un coup très dur porté à la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). "C'est une nouvelle historique pour notre pays, a déclaré le président Juan Manuel Santos. Le symbole de la terreur dans le pays est tombé."
Dès jeudi soir, l'armée a diffusé plusieurs photos du cadavre du chef militaire des Farc, reprises par les médias locaux. Le ministère de la Défense a confirmé que l'homme, que les clichés montrent allongé sur un brancard, était bien "Mono Jojoy". Le corps présente "une blessure importante sur le visage", commentent plusieurs quotidiens.
"Il était vêtu d'un pantalon vert olive et d'un poncho noir et blanc au moment de l'attaque, précise le journal El Tiempo. Le visage de "Jojoy" était enflé et sa calvitie bien visible".
"Nous sommes à vos trousses !"
Arrivé au pouvoir le 7 août, le président colombien a annoncé la mort de cet homme-clé de la guérilla des Farc au cours d'une allocution spéciale depuis New York, où il participe à l'Assemblée générale des Nations unies. "Il s'agit du coup le plus dur porté à la guérilla", a-t-il lancé, appelant une nouvelle fois les dirigeants des Farc à déposer les armes. "Nous sommes à vos trousses ! Nous ne nous épargnerons aucun effort et vous savez que nous pouvons l'emporter !"
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Ancien ministre de la Défense, Juan Manuel Santos avait promis, à son arrivée à la tête de l'État, d'intensifier la politique de fermeté à l'égard des Farc. La mort de 'Mono Jojoy' constitue "une grande victoire, mais il ne faut pas faire de triomphalisme", a-t-il déclaré jeudi soir, assurant que la politique de 'sécurité démocratique' allait se poursuivre. Cette opération est "mon message de bienvenue aux Farc".
Le chef de l'État a donné lui-même, dans la nuit de lundi à mardi, le coup d'envoi de "l'Opération Sodome", planifiée en secret. Une quarantaine d'avions et une trentaine d'hélicoptères ont été mobilisés, ainsi que plusieurs centaines de militaires, pour agir à 26 km du site de La Julia, dans la région de Macarena. Un informateur avait permis de localiser la base de la guérilla, où se cachait "Mono Jojoy", dans un bunker en béton.
Outre ce chef militaire, une vingtaine de guérilleros ont été tués pendant l'offensive.
Sanguinaire et radical
Fils de paysans,Víctor Julio Suárez Rojas, alias "Jorge Briceño Suárez" ou "Mono Jojoy", a rejoint les Farc dès 1975. De simple guérillero, il a gravi tous les échelons pour en devenir le principal stratège militaire depuis le début des années 1990. Il était l'un des sept membres du bureau politique de l'organisation, et l'homme le plus recherché par l'armée colombienne, avec le dirigeant du mouvement, Alfonso Cano.
"Mono Jojoy" dirigeait le "bloc oriental", le plus puissant front de la guérilla. Décrit comme le plus sanguinaire et le plus radical des chefs, il a à son actif un nombre incalculables d'assassinats, d'enlèvements et d'attaques. Il était d'ailleurs visé par au moins 62 ordres de capture, 2 demandes d'extradition, 5 condamnations et 25 enquêtes préliminaires pour des délits de trafic de stupéfiants, terrorisme, homicides à fins de terrorisme, conspiration, séquestration, larcin, port illégal d'armes, etc.
"Sa seule présence inspirait un respect révérencieux aux jeunes guérilleros, pour qui il était une légende vivante", écrit El Pais. Le journal raconte aussi qu'il aimait le whisky, conduire ses camionnettes Toyota à toute allure et les chevaux. "On dit que sa femme et ses filles se promenaient, couvertes de bracelets et de colliers en or, en pleine zone de dissension", ajoute le quotidien.
Une chance pour la réconciliation ?
L'organisation des Farc est-elle durablement fragilisée par la perte de l'un des ses hommes-clé ? Le mouvement est mis à mal depuis le renforcement de la politique sécuritaire initié par l'ancien président Alvaro Uribe en 2002, avec le soutien des États-Unis. Avant "Mono Rojoy", la guérilla avait déjà perdu récemment trois de ses principaux dirigeants, mais restait capable de coups d'éclats.
Le départ de Rojoy, un homme "radical" et "orthodoxe", pourrait faciliter des discussions de paix, a estimé le politologue Fernando Giraldo, cité par l'AFP. Selon l'ancienne otage Ingrid Betancourt, sa mort "ouvre un mince espoir" en ce sens. "Cette mort est peut-être le présage d'un pas vers la réconciliation du pays", considère également un éditorialiste du journal El Pais, León Valencia.
Au sein des Farc, "Mono Rojoy" pourrait être remplacé par Wilson Valderrama Cano, alias ‘Le médecin’.