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Les étranges affaires de la banque du Vatican...

Le parquet de Rome a lancé une enquête contre le président de l’IOR, également surnommé "banque du Vatican" pour violation d'une nouvelle loi italienne anti-blanchiment. Ce n’est pas la première fois que cette institution est visée par la justice.

C’est une petite tour du XIVe siècle dans l’enceinte du Vatican. Derrière la porte d’entrée, constamment surveillée par des gardes suisses, se trouve l’une des banques les plus discrètes du monde. L’Institut pour les œuvres de religion (IOR), aussi appelé "banque du Vatican", doit aujourd’hui faire face à une tentative visant à percer ses prétendus "vilains petits" secrets.

Le parquet de Rome a en effet lancé une enquête à l'encontre d'Ettore Gotti Tedeschi, président de l'établissement, pour violation d’une loi anti-blanchiment. L’IOR ne serait pas directement suspecté de blanchir de l’argent, mais elle est soupçonnée d'avoir facilité ledit blanchiment en omettant de mentionner le nom des parties prenantes dans des opérations financières. Mardi, le parquet de Rome a ainsi saisi 23 millions d’euros (de la banque) dans le cadre de cette enquête.

Un "requin" dans une banque du "tout liquide"

Dans un communiqué, le Vatican a exprimé sa "perplexité" et affirmé sa "totale confiance au président et au directeur général de l'IOR". Pour les spécialistes de l’histoire du Saint Siège, cette nouvelle mise en cause de la banque du Vatican a un air de déjà-vu.

L’Institut pour les œuvres de religion est, en effet, régulièrement cité parmi les paradis fiscaux de la planète. La banque, il faut bien le reconnaître, prête le flanc à de telles accusations. Elle n’émet pas de chéquier et toutes les transactions s'y font en liquide. Bref, il est quasiment impossible de tracer les fonds qui transitent par ses comptes.

Dans les années 1960, cette opacité aurait largement profité à la Mafia italienne et américaine. À cette époque, un personnage controversé, Michel Sidona, commence à travailler comme conseiller de l’IOR. Surnommé "le requin", ce banquier a été condamné pour s’être occupé de l’argent de certains des plus grands mafieux américains. La banque du Vatican aurait alors, selon le témoignage de repentis, largement servi à blanchir l’argent du trafic d’héroïne. Si ces accusations n’ont jamais pu être vérifiées, elles sont néanmoins à l’origine du film "Le Parrain III".

Le précédent Banco Ambrosiano

L’Institut pour les œuvres de religion s’est ensuite retrouvé dans l’un des scandales bancaires italiens les plus spectaculaires de l’après-guerre. Le père Paul Marcinkus, à la tête de l’OIR entre 1971 et 1989, a été jugé complice (en 1982) dans la faillite de la banco Ambrosiano. Poiur rappel, cette dernière a coûté 3,5 milliards de dollars à l’État italien. La banque du Vatican était en effet l’actionnaire principale de la banco Ambrosiano, coupable d’avoir massivement blanchi l’argent de la mafia sicilienne. Paul Marcinkus ne s’est jamais rendu devant la justice italienne, faisant jouer son statut diplomatique de ressortissant du Vatican. Jusqu’à son remplacement en 1989, la Saint Siège a toujours protégé le président de l’IOR, le qualifiant même de "victime" dans cette affaire.

Après l’ère Marcinkus, la banque du Vatican a semblé s’éloigner des affaires troubles. Mais d’autres jugent qu’elle a simplement pris davantage de précaution. "Son nom apparaît dans tous les principaux scandales financiers italiens de ces vingt dernières années", estime ainsi Curzio Maltese, journaliste de "La Republica" qui a publié une enquête sur cette institution, en 2008.

La décision du parquet de Rome d’ouvrir une nouvelle enquête semble aller dans le sens de la thèse du journaliste italien. "Aujourd’hui, la banque du Vatican gère 5 milliards d’euros de dépôt. Elle garantit à ses clients des intérêts sur leurs placements qu’aucun autre fonds d’investissement ne peut promettre", conclut Curzio Maltese.