
Alors que Liliane Bettencourt vient de rayer François-Marie Banier du titre de légataire universel, "Marianne" publie de nouvelles révélations sur le volet politico-financier de l’affaire et Mediapart s’intéresse aux médecins de la milliardaire.
Dans une interview accordée au "Monde", l’avocat de Liliane Bettencourt affirme, ce samedi, que la milliardaire a modifié son testament, révoquant François-Marie Banier du titre de légataire universel. Brouillée avec sa fille depuis plusieurs années, elle n’a pas désigné de nouveau légataire. Si cette modification affecte le volet familial de l’affaire Bettencourt, elle n’en modifie pas l’ampleur du volet politico-financier qui éclabousse la classe politique depuis trois mois.
L’hebdomadaire "Marianne" et le site internet Mediapart, déjà à l’origine de plusieurs révélations fracassantes sur les relations ambigües entre la milliardaire et le monde politique, font une fois de plus leur une sur cette affaire.
Dans son édition de samedi, "Marianne" affirme que l’ampleur de la fraude fiscale dont s’est rendue coupable la milliardaire est bien plus vaste que les quelques comptes en Suisse (réunissant une somme estimée à 78 millions d’euros) et la possession de l’île d’Argos dans les Seychelles dissimulés au fisc français.
Dans la déclaration de patrimoine de l’impôt sur la fortune (ISF), les propriétés de Liliane Bettencourt ont largement été sous-évaluées. "Marianne" cite notamment sa propriété de Formentera, sur l’île espagnole de Majorque. L’endroit, prisé de la jet set, est loin d’être accessible aux petits revenus. Pourtant, à en croire la déclaration de l’ISF, sa maison de 275 m2, sept pièces, posée sur un terrain de 2000 m2, est estimée à 255 966 euros. À titre de comparaison, les journalistes du magazine prennent l’exemple d’une habitation située au même endroit, en tous points comparable bien qu’un peu plus grande (325 m2), vendue à 2, 9 millions d’euros, soit dix fois plus que ce qui a été déclaré. Selon "Marianne", les propriétés - à part l’hôtel particulier de Neuilly - et leur mobilier ont systématiquement été évaluées bien en deçà de leur valeur réelle.
Aucun contrôle du fisc
"Marianne" révèle aussi que la milliardaire aurait touché quelque 100 millions d’euros en quatre ans de la part de l’État, au titre du bouclier fiscal. Des sommes nécessairement versées avec l’accord d’Éric Woerth, alors même que le parquet de Nanterre venait d’alerter Bercy sur de fortes présomptions de fraude fiscale sur le patrimoine de la milliardaire. Contrairement à la loi qui impose un contrôle systématique aux bénéficiaires du bouclier fiscal, aucun agent du fisc n’est venu éplucher les comptes de la milliardaire.
Ces révélations accablent encore un peu plus Liliane Bettencourt et son gestionnaire de fortune Patrick de Maistre, mais également l'ancien ministre du Budget et actuel ministre du Travail Éric Woerth, déjà éclaboussé par des révélations de l’ancienne comptable de la milliardaire, Claire Thibout. En juin, elle avait insinué que des hommes politiques, dont Eric Woerth, recevaient des enveloppes d’argent provenant des comptes des Bettencourt pour financer la campagne présidentielle de l’UMP en 2007. Scandale à la suite duquel Éric Woerth avait dû démissionner du poste de trésorier de l’UMP, qu’il cumulait jusqu'en mars dernier avec la charge de ministre du Budget.
Les médecins en ligne de mire
Le site internet Mediapart apporte, lui, un nouvel éclairage à l’affaire. Il ne s’attarde pas sur le volet politico-financier de l’affaire, mais sur les personnages gravitant autour de Liliane Bettencourt. Il s’agit cette fois des médecins dont s’est entourée la milliardaire. Selon le site internet, le président du Conseil de l’ordre des médecins a demandé que soit menée une enquête sur les agissements de plusieurs d’entre eux, dont le très renommé professeur Gilles Brücker et sa compagne Christine Katlama, médecin au service des maladies infectieuses et tropicales de la Pitié-Salpétrière
Gilles Brücker est spécialiste en épidémiologie des maladies transmissibles. Il dirige une association de lutte contre le sida en Afrique et en Asie du Sud-Est et a fondé deux ONG aux côtés de Bernard Kouchner, Médecins sans frontières et Médecins du monde.
Le docteur Brücker a rencontré Liliane Bettencourt par l’intermédiaire de son ami d’enfance, le photographe François-Marie Banier et finit par devenir médecin conseil de l’héritière de L’Oréal à la fin des années 1990.
Selon le "Nouvel Observateur" daté du 7 juillet, Liliane Bettencourt, malade, est hospitalisée en mars 2003 à la Pitié Salpétrière. Gilles Brucker la place entre les mains de l’un de ses collègues neurologues, Michel Kalafat. Ce dernier finit par recommander une mise sous curatelle de la milliardaire qu’il considère "hors d’état d’agir elle-même". Il est aussitôt éloigné de la malade. Gilles Brücker décharge aussi le docteur habituel de Liliane Bettencourt à Neuilly, le docteur Philippe Koskas, après qu’il ait fait passer un IRM et un examen neurologique à sa patiente.
Accusation d'abus de faiblesse
Et c’est précisément ce point, la santé mentale de Liliane Bettencourt, qui oppose aujourd’hui sa fille, Françoise Meyer-Bettencourt, à François-Marie Banier. La fille de l’héritière de L’Oréal accuse le photographe "d’abus de faiblesse" envers sa mère et demande sa mise sous tutelle. François-Marie Banier, proche ami de Liliane Bettencourt, a reçu environ un milliard d'euros de dons (assurances-vie, tableaux) dans les années 1990 et 2000.
Aujourd’hui, Gilles Brücker est devenu l’exécuteur testamentaire de Liliane Bettencourt, charge qu’elle a agrémenté d’une dotation d’un million d’euros. En outre, en 2006, Pauline, la fille du médecin et de Christine Katlama, s’est vue offrir un appartement de 500 000 euros.
Ces affaires, médiatisées, ont fini par attirer l’attention du Conseil de l’ordre des médecins. "On a des questions à poser [aux médecins entourant Liliane Bettencourt]", a déclaré à l’AFP Irène Kahn-Bensaude, présidente du Conseil de l’ordre des medecins de Paris. "Et si on estime qu’ils ont violé le code de déontologie, alors on les mettra devant la juridiction ordinale, c’est-à-dire la chambre disciplinaire de première insatnce […]".
Dans un entretien paru en juillet dans "le Monde", Gilles Brücker s’était déclaré "très serein". "Nous avons une telle conscience Christine Katlama et moi-même d'être transparents, désintéressés, que nous avons notre entière conscience pour nous", avait-il expliqué.