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Famine à Gaza : controverse autour des images d'enfants malnutris
Alors que les images d'enfants squelettiques en provenance de la bande de Gaza choque l'opinion publique mondiale, certains internautes ainsi que les autorités israéliennes cherchent à relativiser la famine qui sévit dans le territoire palestinien. 
Un militant israélien tient un sac de farine et une photo d'un enfant souffrant de malnutrition lors d'une marche vers le siège du ministère israélien de la Défense à Tel-Aviv le 22 juillet 2025. © Jack Guez, AFP

Ce sont des images déchirantes qui, selon l'ONU, rappellent les grandes famines du XXe siècle au Biafra ou en Somalie : des enfants avec la peau sur les os, le visage émacié, le teint blafard et le regard vide. Après 21 mois d'un conflit dévastateur et meurtrier avec Israël, les civils les plus vulnérables meurent de faim dans la bande de Gaza.

Une réalité que certaines voix tentent de remettre en cause. Sur les réseaux sociaux, des publications très relayées, en particulier sur X, affirment sans preuves que 70 % des clichés d'enfants affamés à Gaza viennent du Yémen et d'autres pays tandis que le reste des clichés est généré par intelligence artificielle ou concerne des enfants malades. 

Ces derniers jours, plusieurs grands médias ont fait face à des procès en manipulation liés à l'utilisation de clichés d'enfants affamés. Le 24 juillet, le journal Libération a publié en une l'image d'un enfant squelettique faisant dos à l'objectif. Dans la foulée, une publication massivement partagée sur les réseaux sociaux a assuré qu'il s'agissait en réalité d'une photo prise en 2016 au Yémen. "Des accusations fausses : la photo de une provient bien d’un reportage réalisé, à Gaza, le 23 juillet 2025", démontré Libération dans sa rubrique CheckNews.

Famine à Gaza : controverse autour des images d'enfants malnutris
La une du journal Libération du 24 juillet 2025. © Capture d'écran X / Omar Al-Qattaa, AFP

Plus récemment, le New York Times s'est attiré les foudres des autorités israéliennes après la diffusion d'un reportage sur la famine dans la bande de Gaza à travers le cas de Muhammad Zakariya Ayyoub al-Matouq, un enfant gazaoui, souffrant de malnutrition extrême. En cause, la publication mardi d'un appendice à son reportage précisant que le garçonnet était également atteint de problèmes de santé préexistants.

" Les enfants à Gaza restent malnutris et affamés, comme les journalistes du New York Times et d’autres [médias] l’ont documenté [...] Cette précision supplémentaire offre une meilleure compréhension de sa situation.", indique un porte-parole du journal.

Famine à Gaza : controverse autour des images d'enfants malnutris
Cette capture d'écran montre la communication du New York Times à propos de son reportage sur la famine à Gaza. © Capture d'écran sur X

"Muhammad Zakariya Ayyoub al-Matouq souffre de paralysie cérébrale. Mais la BBC, CNN, le Daily Express et le New York Times ont diffusé un article trompeur utilisant la photo d'un enfant malade et handicapé pour promouvoir une histoire de famine massive à Gaza", a réagi dans la foulée le ministère israélien des Affaires étrangères. 

"NYT, vous savez que le Hamas utilise des bébés atteints de maladies préexistantes. Nous le disons depuis des mois. Vous saviez exactement ce que cette photo allait provoquer", a également fustigé l'ancien Premier ministre Naftali Benett.

Minimiser la responsabilité d'Israël

Autre cas évoqué par les autorités israéliennes : une photo devenue virale d'Osama al-Rakab, 5 ans, et utilisée entre autres par le journal l'Humanité. Le Cogat, un organisme du ministère israélien de la Défense, a affirmé, le 28 juillet, que l'enfant souffre d'une grave maladie génétique sans rapport avec la guerre, ajoutant que le garçon est traité depuis le 12 juin en Italie.

"Les images tragiques suscitent à juste titre des émotions fortes, mais lorsqu'elles sont utilisées à mauvais escient pour alimenter la haine et les mensonges, elles font plus de mal que de bien. Ne laissez pas la compassion être exploitée à des fins de propagande", conclut le Cogat dans un message posté sur X.

Ces publications omettent de préciser que les effets de la malnutrition frappent d'abord les plus vulnérables, en particulier les enfants malades. À chaque fois, l'objectif est le même : faire croire que la famine n'existe pas à Gaza et minimiser la responsabilité d'Israël qui depuis début mars a organisé le blocus quasi total de l'enclave.  

Pourtant, les enfants qui meurent faute de nourriture sont une réalité déjà bien documentée.  Selon l'IPC (Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire), organisme international soutenu par l'ONU, "plus de 20 000 enfants ont été traités contre la malnutrition aiguë entre avril et mi-juillet" et les hôpitaux ont signalé au moins 16 décès d'enfants de moins de cinq ans depuis le 17 juillet.

Selon l'OMS, les décès dus au manque de nourriture ont connu un pic au mois de juillet. Sur les 74 décès liés à la malnutrition enregistrés en 2025, 63 sont survenus depuis le début du mois

Au-delà des segments les plus fragiles de la population, les adultes en bonne santé souffrent aussi de la faim. Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime qu’une personne sur trois passe désormais des journées entières sans manger dans la bande de Gaza. *

L'ONU assure que des humanitaires perdent connaissance tandis que les journalistes peinent de plus en plus, eux aussi, à faire leur travail. Dans un communiqué du 21 juillet, la Société des journalistes de l’Agence France Presse a alerté sur la situation de ses collaborateurs toujours présents à Gaza et qui pourraient "mourir de faim" dans les prochaines semaines.

Une aide toujours insuffisante

Même le président américain, Donald Trump, s'est ému, lundi, que "beaucoup de gens sont affamés" dans le territoire palestinien. Interrogé pour savoir s'il était d'accord avec Benjamin Netanyahu qui niait la crise humanitaire à Gaza, le milliardaire a répondu : "De ce qui est montré à la télévision, je dirais non, pas particulièrement, parce que ces enfants ont l'air d'avoir très faim."

Cette situation humanitaire catastrophique symbolisée par ces images d'enfants affamés pourrait également avoir pesé dans la décision de Paris de reconnaître un État palestinien. Une initiative qui pourrait être suivie par d'autres pays, en particulier le Royaume-Uni qui a posé ses conditions à Israël.

Sentant la bataille communicationnelle lui échapper, le gouvernement israélien a donc fini par lâcher du lest tout en maintenant ces dénégations sur l'existence d'une famine dans l'enclave. Après avoir résisté pendant des mois à toutes les pressions internationales, Benjamin Netanyahu a autorisé depuis dimanche le largage par voie aérienne de colis alimentaires, méthode toutefois décriée par les ONG.

Lundi, le chancelier Friedrich Merz a annoncé que l'Allemagne allait organiser avec la Jordanie un "pont aérien de biens humanitaires vers Gaza". Le Royaume-Uni a annoncé avoir procédé à un premier largage. Donald Trump a aussi indiqué la mise en place par les États-Unis de centres de distribution alors que la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), organisation opaque soutenu par Washington et Israël, est sous le feu des critiques.

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© France 24
19:07

De son côté, la France larguera à partir de vendredi 40 tonnes d'aide sur la bande de Gaza. "La voie aérienne est utile, mais elle n'est pas suffisante", a reconnu le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, réclamant la réouverture des accès terrestres au territoire palestinien soumis à un blocus de l'armée israélienne.

Le Cogat a déclaré que plus de 200 camions d'aide ont été distribués mardi à Gaza par l'ONU et des organisations internationales. De son côté, le gouvernement du Hamas a fait état de l'entrée le même jour, de "109 camions d'aide humanitaire, qui ont été pour la plupart pillés et volés en raison du chaos sécuritaire créé par l'occupation (Israël, NDLR)". 

Selon les organisations humanitaires, ces volumes d'aide restent loin de pouvoir répondre aux besoins actuels de la population gazaouie. Pour rappel, entre 500 et 600 camions entraient chaque jour dans le territoire avant le blocus mis en place le 7 octobre 2023 suite à l'attaque terroriste du Hamas. Selon le PAM, il faudrait faire entrer plus de 62 000 tonnes d'aide alimentaire par mois pour subvenir aux besoins de l'ensemble de la population de Gaza.